Pour comprendre d'où vient la "tristesse européenne" des Ukrainiens, faisons un bref détour par l'histoire des hautes relations entre l'Ukraine et l'UE.
En estimant que ce trésor, avec les intérêts accumulés depuis deux siècles et demi, devait "peser" plusieurs milliards de livres (soit 38 kg d'or par Ukrainien), les députés ukrainiens ont créé une commission spéciale et ont même envoyé une grande délégation au Royaume-Uni pour s'entretenir avec la partie anglaise. Cependant, Londres a renvoyé les héritiers dans leur pays.
Pendant la première moitié des années 1990, quand la population de l'une des ex-républiques les plus prospères luttait pour sa survie et que la nouvelle élite pillait le patrimoine national, le processus d'intégration européenne avançait tant bien que mal. C'est Leonid Koutchma qui lui a donné un coup de pouce, qui avait vaincu son rival et prédécesseur Leonid Kravtchouk grâce à ses promesses de campagne de développer les relations stratégiques avec la Fédération de Russie. Dès son premier mandat entrait en vigueur l'accord de partenariat et de coopération entre l'UE et l'Ukraine, se tenait le premier sommet UE-Ukraine et était fixée la stratégie d'intégration européenne de l'Ukraine.
En recevant le sceptre présidentiel, Iouchtchenko est immédiatement parti en grande tournée européenne où, en échange des ovations au Parlement européen et des poignées de main des dirigeants de l'UE pour la première fois, mais pas la dernière, il leur a proposé l'Ukraine en tant que candidat prometteur pour devenir membre de l'UE. Et pour confirmer le sérieux de ses intentions, en imitant l'expérience de la Géorgie, il a fait du drapeau de l'UE un attribut officiel — que ce soit pour l'administration présidentielle ou le cabinet du chef du conseil agricole.
Sachant que Iouchtchenko croyait durant tout son mandat — pas très réussi et c'est peu dire — en la valeur intemporelle de son offre. "L'Europe n'est pas complète sans l'Ukraine. Nous ne sommes pas des voisins de l'Europe, nous faisons partie de l'Europe, nous sommes l'Europe. C'est pourquoi nous aspirons à adhérer à l'UE", déclarait-il au quotidien allemand Die Welt au printemps 2005, au pic de son triomphe éphémère. Et voici ce qu'il a déclaré au Figaro en automne 2009 — six mois avant sa défaite cuisante au premier tour de la présidentielle: "L'Ukraine sera membre de l'UE. Je n'ai aucun doute à ce sujet, parce que ce n'est pas uniquement l'Ukraine qui en a besoin. L'UE en a besoin".
La lecture de mantras sur l'absence d'alternative au choix européen a été reprise par le successeur de Iouchtchenko — Viktor Ianoukovitch — qui a déclaré à ses électeurs: "L'adhésion de l'Ukraine à l'UE est l'objectif stratégique que nous avons fixé il y a seize ans dans le programme du Parti des régions". A l'instar de Koutchma, arrivé au pouvoir entre autres grâce aux promesses de développer les relations avec la Russie, Ianoukovitch est rapidement passé à une politique sur plusieurs axes, dont l'apothéose a été sa décision de signer avec l'UE un accord d'association économique.
Quand Viktor Ianoukovitch a finalement compris ce qu'on lui demandait vraiment de signer, il s'est rétracté et le Maïdan 2 a immédiatement surgi sur la place ukrainienne. On entendait à nouveau à la tribune des promesses d'adhésion prochainement à l'UE. Et une fois encore parmi les manifestants erraient les représentants de l'establishment politique européen et américain. La seule différence de taille entre le Maïdan de 2014 et de 2004 était la couleur de la révolution: l'orange a cédé la place au rouge du sang versé.
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