Le sous-marin nucléaire K-162 (également connu sous le code K-222) a été inscrit sur la liste des navires de la marine soviétique alors même qu'il était seulement en construction. Le premier sous-marin nucléaire du projet 661 Anchar devait marquer l'apparition d'une toute nouvelle classe de sous-marin en URSS, destinés à combattre les groupes aéronavals de l'ennemi.
Le missile P-70 Ametist (désignation OTAN SS-N-7 Starbright) a été conçu à la fin des années 1960 sous la direction de Vladimir Tchelomeï. Certes, le missile antinavire sous-marin avait une moindre portée (80 km) qu'un missile mer-mer lancé depuis la surface, ainsi qu'une capacité inférieure en termes de poids de l'ogive. Cependant, aucun pays du monde ne disposait à l'époque d'un tel missile. Les ingénieurs soviétiques avaient même réussi à construire un sous-marin inédit pour embarquer et lancer ce missile.
Le porteur du P-70, le sous-marin K-162 construit sous la direction de l'académicien Nikolaï Issanine, était la quintessence de l'ingénierie navale soviétique. La conception et la construction du sous-marin a demandé plus de 10 ans, de la fin des années 1950 au 31 décembre 1969, quand a été signé le décret de mise en service du sous-marin. Et quel sous-marin!
Mais la principale différence du K-162 était sa coque solide en titane. Contrairement aux aciers utilisés même aujourd'hui pour la construction des coques de sous-marins, l'alliage de titane est plus solide, non magnétique et résiste à la corrosion. Il n'existait à l'époque nulle part au monde des technologies permettant de fabriquer et souder de grandes pièces de titane. Toute l'industrie soviétique du titane avait donc été significativement transformée pour construire le premier sous-marin de titane d'environ 120 mètres.
Ainsi, l'URSS disposait avec le K-162 d'un puissant moyen pour combattre les sous-marins et les groupes aéronavals d'un éventuel ennemi. Ces sous-marins étaient capables de s'approcher rapidement des navires ennemis, de les attaquer sous l'eau et d'éviter rapidement les ripostes. Les navires ennemis et même leurs torpilles étaient incapables de rattraper le K-162 (la vitesse des torpilles dans les années 1970 ne dépassait pas 25 nœuds en mode d'identification de l'objectif et 40 nœuds en régime de rapprochement).
Cependant, la production en série des sous-marins du projet 661 n'a pas été lancée. Après presque 20 ans de service, en 1988, le K-162 a été retiré du service et démantelé en automne 2010.
Le projet 661 a passé le relais de vitesse aux sous-marins nucléaires de classe Lyra (code Otan: classe Alfa). Ces derniers étaient également conçus en titane et, légers (avec un tirant de 2 300 tonnes), ils pouvaient développer 41 nœuds. Ils n'embarquaient pas de missiles, uniquement des torpilles, parce qu'ils étaient conçus pour éliminer des sous-marins ennemis. Les Lyras se sont avérés très maniables — ils atteignaient leur vitesse maximale en moins d'une minute et étaient capable de faire demi-tour en 42 secondes. Selon les sources ouvertes, sept sous-marins de cette classe ont été construits entre 1971 et 1981. Tous ont été retirés du service au début des années 1990.
Ainsi s'est achevée l'histoire des sous-marins soviétiques aux coques en titane. Les ingénieurs ont préféré se tourner vers d'autres solutions techniques pour augmenter la vitesse des sous-marins jusqu'à 35 nœuds. Sachant que quelques sous-marins en titane construits en URSS restent encore en service — deux sous-marins du projet 945 Barracuda (l'un d'eux est en cours de modernisation), deux sous-marins du projet 945A Condor et supposément un sous-marin du projet 941 Akula (classe Typhoon). Mais c'est une autre histoire.