Hélène Clément-Pitiot, économiste et spécialiste de la Russie, membre du Centre d'études des modes d'industrialisation (CEMI-EHESS), nous a décortiqué la situation en évoquant la perte de confiance massive. « Il y a deux choses. D'abord, l'inflation qui, selon les chiffres officiels, est de 30%. Certains experts parlent même d'hyperinflation, ce qui me semble excessif. Mais il est certain qu'on est au bord de la panique. D'autre côté, la dévaluation s'est accélérée depuis les dernières semaines. Si on compare à la valeur du grivna en février 2014, il fallait 8 grivnas pour un dollar. Maintenant, au cours officiel, il en faut 33 et au marché noir, il en faut presque 50! Les effets de l'inflation et de la dévaluation, ainsi que le niveau du salaire minimum actuel (il est à peu près de 40 dollars) mettent l'Ukraine au même niveau que le Ghana ou la Zambie, donc, parmi les pays les plus pauvres du monde. »
L'Ukraine devrait être en défaut, d'ailleurs, tout comme la Grèce, confirme Hélène Clément-Pitiot. Mais le défaut ne peut pas être prononcé parce que sinon, cela mettrait la finance en danger. Cela déclencherait des paniques, des pertes importantes sur les banques qui sont considérées comme « too big to fail ». Donc, c'est hors de question. On retrouvera tout le vocabulaire nécessaire pour ne pas aborder le thème de défaut. »
Contrairement aux propos d'Hélène Clément-Pitiot, à long terme, le défaut serait la meilleure solution, compte tenu des dettes actuelles. Vous n'êtes pas sans vous rappeler qu'en Russie post-soviétique, la croissance a repris après le défaut de 1998.
Quoi qu'il en soit, il faudrait faire deux choses impopulaires: d'abord, lâcher le cours du grivna. Certains experts croient qu'il était fautif de maintenir la devise nationale à la surface jusqu'au dernier moment parce que l'économie faible ne doit pas avoir une monnaie forte.
Bref, il faut introduire des mesures « classiques » afin de relancer l'économie dont la croissance permettra, à terme, de franchir la période de crise financière.
Bon an mal an: des doutes continuent de planer sur le sort de l'économie ukrainienne. Une chose est claire: il faut du temps. Les Ukrainiens devront serrer la ceinture et attendre. Il n'y a pas d'autre voie.
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