Cependant, la guerre civile n'est pas l'unique cause du gouffre financier en Ukraine. Notre interlocutrice Hélène Clément-Pitiot, économiste et spécialiste de la Russie, membre du Centre d'études des modes d'industrialisation (CEMI-EHESS), a regardé au fond du problème.
La crise de 2008 a massivement amené des problèmes de financement, de dette, de soutenabilité des soldes financiers. Maintenant, les questions politiques ont complètement perturbé le débat économique. Il y a eu une capture de potentiel économique par des conflits politiques et une sorte de féodalité s'est maintenue. Résultat: problèmes structurels, financiers, manque d'investissement chronique.
En même temps, le rêve d'Europe qui a été propagé en Ukraine a soutenu la volonté d'immigration. Les gens ne s'investissent pas dans un pays où tout le monde veut partir. Il y a une démotivation globale de la population, les acteurs économiques fuient, que ce soit à l'Est ou à l'Ouest du pays. En voulant éviter la conscription, les populations jeunes qui sont les plus actives se retrouvent en Pologne, en Roumanie, etc. Du point de vue économique, cette fuite du pays est presque le problème majeur, puisqu'on a beau injecter des capitaux, ils vont être capturés auprès de lobbies, d'oligarques et vont reconstruire la féodalité. »
« Pendant 20 ans, reprend Hélène Clément, on a fait croire à l'Ukraine que son salut était l'aide extérieure. Il y a eu une succession de promesses, de programmes du FMI et de l'UE. Mais si on se souvient, ces promesses ne sont pas toujours tenues. Au moment crucial où Ianoukovitch a presque accepté de signer l'accord d'association avec l'Union européenne et a demandé 20 milliards à l'Europe, on lui a refusé. D'une certaine manière, l'Europe a créé cette situation de désastre économique parce qu'elle n'a pas accompagné le pays au bon moment ».