L'économie ukrainienne file directement vers la banqueroute. La banque nationale d'Ukraine a abaissé jeudi le cours officiel de la monnaie nationale ukrainienne à 30,01 hryvnias pour un dollar, et à 34,04 hryvnias pour un euro. Sur le marché noir, le dollar se vendait pour 42 hryvnias. La devise du pays se dépréciait toute l'année dernière, mais ce processus s'est accéléré depuis le début de 2015. En un mois, la hryvnia a perdu près de la moitié de sa valeur, le dollar coûtant 15 hryvnias à la mi-janvier.
Au gouvernement ukrainien, on assure que la chute du cours de la hryvnia est provoquée par des spéculations, la demande en devises étrangères étant satisfaite sur le marché. Et on blâme la Banque nationale.
« En neuf derniers mois, 51,5 milliards de dollars ont été vendus sur le marché financier, soit près de dix fois le montant des réserves de change du pays », a indiqué mercredi lors d'une réunion ministérielle le premier-ministre Arseni Iatseniouk, précisant « qu'une partie des devises étrangères est achetée à des buts spéculatifs ».
« La Banque nationale est impuissante face à cette situation », explique à Sputnik l'économiste et politologue Alexandre Doudtchak. « Pour stabiliser la monnaie ukrainienne, il faut augmenter les exportations. Or, nous n'avons plus rien à exporter. Il fut un temps l'Ukraine exportait de l'électricité, mais ce n'est plus possible à l'heure actuelle. En outre, Kiev a coupé les ponts avec le Donbass, dont les sites industriels apportaient au budget 20% des revenus en devises étrangères. Quant aux sites industriels dans d'autres régions du pays, ils ne tournent pas à plein régime, car ils sont pour la plupart dépendants des composantes qui arrivent de Russie. Les liens économiques avec la Russie sont devenus très tendus depuis l'année dernière. Je ne vois donc aucune raison objective pour la remontée de la hryvnia à court terme».
« La Banque nationale agit dans les intérêts d'un petit groupe de producteurs et des représentants des groupes financiers qui désirent exporter avec une hryvnia affaiblie », rétorque-t-il à Sputnik. « Au vu de la baisse générale de la production, ces exportations ne permettent pas de renflouer le budget. Toutefois, cela ne fait aucun doute que la Banque nationale sème la panique ».
Quant à l'affirmation du gouvernement ukrainien sur les réserves de change s'élevant à 6 milliards de dollars, elle est à vérifier, suggère Alexandre Doudtchak.
« Actuellement, des titres des sociétés ukrainiennes qui ont fait faillite représentent 80% de ces réserves », explique-t-il. « La Banque centrale ne donne aucune précision sur ce sujet. Je n'exclus pas que si cette information était fournie, la faillite de l'Ukraine serait imminente ».
La pression du FMI
« L'une des raisons de l'accélération de la chute de la hryvnia, compte tenu notamment du poids de la dette (72% du PIB), c'est la pression qu'exerce le FMI sur l'Ukraine », explique à Sputnik Georges Estievenart, représentant de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) à Bruxelles. « Le FMI s'engage à fournir une aide financière à Kiev à condition qu'il libéralise le taux de change. C'est un scénario qui ressemble à celui de la Grèce, sauf que la Grèce fait partie de la zone euro, alors que la monnaie ukrainienne est indépendante ».
Cependant, les principaux problèmes auxquels restent confrontées les structures internationales en Ukraine, c'est l'insuffisance de la capacité de réponse des structures administratives ukrainiennes, étranglées par les problèmes économiques, et l'absence des interlocuteurs du FMI et de l'Union européenne à Kiev, ajoute Georges Estievenart, qui revient d'une réunion au Parlement européen, où ce problème était abordé.
« On nous raconte des histoires, comme quoi, l'Ukraine doit mener des réformes qui lui permettront de relancer son économie », réagit à ces déclarations Alexandre Doudtchak. « De nombreux exemples, notamment dans les pays de l'Amérique latine, ont montré que la collaboration avec le FMI aboutit à la désintégration complète de l'économie du pays, à l'appauvrissement de la population et à une baisse du coût de la main-d'œuvre. Les conseils de la structure ne visent qu'à faciliter la pénétration des corporations internationales dans l'économie ukrainienne ».
Selon l'expert, le pays se trouve actuellement entièrement sous le contrôle du FMI et des structures financières européennes. Le défaut de l'Ukraine pourrait donc être déclaré au moment qui leur convient.