Au rendez-vous des nazis. Alors que le parlement canadien s’est mis dans la panade en invitant Yaroslav Hunka, ukrainien vétéran d’une unité SS, l’actualité remet en lumière les diverses fuites de nazis vers le Nouveau monde. L’Amérique du Sud a notamment servi de bastion pour les criminels allemands après la Seconde Guerre mondiale, explique à Sputnik João Cláudio Pitillo, chercheur à l'Université d'État de Rio de Janeiro.
Diverses raisons ont permis l’installation d’anciens nazis en Amérique latine, parmi lesquelles l'action de Washington, selon l’universitaire.
Mansuétude américaine
La CIA, agence de renseignement américaine connue pour son soutien aux dictatures de la région, a sciemment mis la question de côté, affirme ainsi João Cláudio Pitillo.
"Washington a coordonné ces pays pour qu'ils laissent derrière eux cette question du fascisme, car nombre d'entre eux aidaient à combattre les communistes", explique-t-il ainsi.
Les États-Unis ont eux-mêmes accueilli sur le territoire des personnalités nazies, leur confiant des responsabilités pour lutter en particulier contre l’URSS dans le contexte de la Guerre froide. L’Opération Paperclip a ainsi permis de recycler 1.500 scientifiques issues de l’Allemagne nazie, notamment dans le domaine de l’aérospatial et de l’armement.
Soutien aux dictatures locales
Si beaucoup d’anciens nazis se sont fait discrets après leur fuite d’Allemagne, d’autres ont contribué à l’établissement de régimes dictatoriaux en Amérique latine, ce qui explique la mansuétude de certains pays de la région à leur égard, précise encore João Cláudio Pitillo.
L’exemple le plus connu est celui de Klaus Barbie, surnommé "le boucher de Lyon", qui conseilla l’armée bolivienne en matière de recherche et de torture des opposants. D’autres nazis ont participé directement aux dictatures de Bolivie et du Pérou, aidant à organiser les systèmes de répression dans ces pays.
"Cette machine répressive est une machine empruntée à l'Allemagne nazie […] Cette systématisation scientifique de la torture, ces expériences qui seront menées dans toute l'Amérique latine avec des escadrons de la mort, des gardes nationales, des commandos, des opérations secrètes (dont la plus célèbre est l'opération Condor), toutes directement liées à l'école fasciste", liste ainsi João Cláudio Pitillo.
Les premiers nazis établis en Amérique du Sud ont par la suite soutenu de nouveaux arrivants, entretenant le phénomène. Josef Mengele, le médecin du camp d'extermination d'Auschwitz, entretenait notamment des relations avec d’autres nazis ayant fui comme lui au Brésil, souligne le chercheur.
Ressortissants venus d’anciens pays fascistes
L’immigration italienne et allemande dans les décennies précédentes a notamment créé des passerelles entre les régimes fascistes ou nazis et les pays de la région. Les élites locales ont d’ailleurs parfois partagé ces idéologies et les liens économiques étaient vivaces.
"L’immigration italienne et allemande a été très présente dans cette région, donc le lien culturel s'est renforcé. Ces relations ont été construites au point de rendre confortable le transit des personnes en provenance de ces pays", résume ainsi João Cláudio Pitillo.
Le boom démographique de l’Amérique latine n’a en outre débuté que dans les années 1960, ajoute le chercheur, ce vaste continent faiblement peuplé offrait donc un refuge idéal pour "dissimuler la présence de ces étrangers à tendance fasciste". Beaucoup d’entre eux obtenaient des passeports par des régimes autoritaires de Salazar au Portugal et de Franco en Espagne.
Ce 22 septembre, la Chambre des communes avait invité et applaudi Yaroslav Hunka, un Ukrainien ayant combattu dans la 14e division SS "Galicie" connue pour avoir massacré des Russes, des Polonais, des Slovaques et des Juifs. Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, et le Président ukrainien, Volodymyr Zelensky, avaient participé à l’ovation, provoquant un tollé, en particulier du côté des associations juives. Justin Trudeau avait finalement présenté ses excuses.