Cherchant à renouer ses liens avec le continent africain dans le secteur agricole, le Brésil dispose d’une large expérience dans ce domaine pour répondre aux besoins de celui-ci, ont estimé plusieurs analystes brésiliens interrogés par Sputnik.
Cette tendance a été manifestée fin août à Sao Tomé-et-Principe, lorsque le Président brésilien Lula da Silva a déclaré que l’Afrique avait "tout pour devenir une puissance agricole avec la capacité de nourrir sa population et le monde". Il a d’ailleurs fait part de la disposition de son pays à continuer le partenariat avec le continent.
Les relations bilatérales avec les pays africains ne devraient fonctionner qu’en fonction des exigences de chacun, c’est-à-dire de ce qu’ils veulent et de leurs besoins, a indiqué le directeur du cabinet de conseil Fauna et professeur du Centre d'études agroalimentaires de la Fondation Getulio Vargas (FGV Agro) Eduardo Assad. Il faut les aider en termes de renforcement de la production d’aliments locaux, selon lui.
"Leur régime alimentaire est un peu différent du nôtre [….]. Il faudrait donc reprendre là, par exemple, l'idée d'un panier alimentaire de base et commencer à travailler sur la production de haricots ou de manioc, détaille Eduardo Assad. Nous disposons d'une très bonne technologie dans la production de ces aliments, que nous pouvons utiliser là-bas".
L’Europe est largement devancée
Ces projets prennent également des contours géopolitiques, alors que les nations européennes ont adopté le "protectionnisme vert", la cible de critiques constantes de la part du chef de l'exécutif brésilien.
"Si vous regardez ce que les pays européens ont fait en Afrique, ils ne devraient même pas parler de protectionnisme vert et de production durable. Ce qui a été fait lors de la colonisation belge, française et anglaise en Afrique était une sorte de blockbuster", critique-t-il.
"Maintenant, de toute façon, ce n'est pas effrayant, parce que nous avons quelques années-lumière d'avance sur eux [les Européens] en termes d'échelle. L’ABC agriculture [plan d'adaptation au changement climatique et à faibles émissions de carbone] fonctionne depuis dix ans. Les conditions africaines pour y faire une agriculture comme ABC en Afrique sont énormes et nous donnent un avantage", souligne-t-il.
Partages d’expérience et de technologies
En effet, le Brésil est "un pays avec une grande expérience et un développement technologique important en ce qui concerne le secteur agricole", poursuit de son côté Guilherme Ziebell, professeur de relations internationales à l'Université fédérale du Rio Grande do Sul (UFRGS):
"L’Entreprise brésilienne de recherche agricole (Embrapa) est, dans ce contexte, un acteur central, car elle est responsable d'une grande partie des innovations et des développements du secteur, qui ont historiquement permis l'amélioration croissante de la production agricole brésilienne, en augmentant à la fois sa qualité et sa productivité".
En ce sens, les partenariats entre le Brésil et les pays africains s’annoncent gagnant-gagnant. Pour le Brésil, cela contribuerait à l’enrichissement de son expérience dans le domaine, en particulier pour la culture des régions arides. En outre, cela boosterait la coopération dans le développement de produits spécifiques, comme le coton, le cacao et autres, et d'actions communes (par exemple dans les travaux de préservation des sols, a expliqué le professeur.
Les deux chercheurs conviennent également que les relations bilatérales entre le Brésil et l’Afrique sont en train de se reconstruire après leur rupture opérée de manière "volontaire et consciente" principalement à partir de 2018 [année d’élection de l’ancien Président Bolsonaro, ndlr], a noté Guilherme Ziebell.
"Le Brésil a perdu de l'espace et du prestige sur le continent, et une partie importante de la coopération avec les pays africains a été interrompue. Dans le contexte actuel, depuis le début du gouvernement Lula, il y a un mouvement vers le rétablissement de ces liens, lequel, cependant, aura sûrement un long chemin à parcourir", conclut le professeur de l'UFRGS.