Les pays riches poussent les pays lourdement endettés vers une dépendance aux combustibles fossiles, indique un rapport de l’organisation caritative Debt Justice.
La pression pour rembourser les dettes oblige les pays pauvres à continuer d'investir dans des projets d’énergies fossiles pour rembourser les prêts généralement accordés par des pays plus riches et d'institutions financières, souligne le document.
"De nombreux pays sont pris au piège de l'exploitation des combustibles fossiles pour générer des revenus afin de rembourser la dette alors que, dans le même temps, les projets de combustibles fossiles ne génèrent souvent pas les revenus escomptés et peuvent laisser les pays encore plus endettés qu'au début. Ce piège toxique doit cesser", a estimé Tess Woolfenden, responsable des politiques chez Debt Justice.
Les investisseurs et les prêteurs sont souvent la Banque mondiale (BM), le Fonds monétaire international (FMI) et les géants énergétiques occidentaux et asiatiques, note l’organisation.
Selon le rapport, la dette des pays du Sud a augmenté de 150% depuis 2011 et 54 pays sont en crise de la dette. Ils sont contraints de dépenser cinq fois plus pour rembourser que pour faire face à la crise climatique.
La dépendance des pays du Sud à l'égard des combustibles fossiles s'inscrit dans un contexte plus large de dépendance aux exportations de produits de base remontant au colonialisme, conclut le document.
Pays africains concernés
Parmi les États touchés par ce problème, Debt Justice met l’accent sur un nombre de pays d’Afrique.
L’un des exemples clés est le Ghana où d’importantes réserves de pétrole et de gaz ont été découvertes en 2007. Malgré une forte exploration de ses ressources par des intermédiaires étrangers et leurs investissements, le pays ne cesse de voir sa dette gonfler. Il cherche actuellement à l’alléger dans le Cadre général du G20 et vient de conclure un accord pour un nouveau programme avec le FMI.
Le Mozambique a été plongé dans une crise de la dette lorsque les prix du pétrole et du gaz ont chuté en 2014-2016. Les solutions des prêteurs internationaux pour renflouer le pays ont cependant reposé sur le remboursement des prêts grâce aux futurs revenus générés du gaz. Alors que le FMI prévoyait une croissance du PIB de 39% vers 2021, cette année-là le peuple mozambicain a été estimé comme plus pauvre qu’il y a 10 ans.
Toujours d’après le rapport, en Ouganda, le FMI encourage implicitement à s'appuyer davantage sur les combustibles fossiles comme moyen d'équilibrer le budget national. L’institution cherche aussi à ce que les investissements dans les infrastructures pétrolières ne participent pas aux enjeux climatiques.
Même constat pour le Tchad, lequel a reçu 2 milliards de dollars de la part de la société minière suisse Glencore pour une participation à la société pétrolière publique tchadienne. L’effondrement du prix du pétrole en 2014 a amené le pays à un surendettement.
Début 2021, le Tchad a déposé une demande auprès du Cadre commun du G20 pour l'allégement de la dette. Fin 2022, le G20 a annoncé que le Tchad n'obtiendrait aucune annulation de dette dans le cadre de ce programme, estimant que les prix actuels du pétrole avaient suffisamment augmenté les revenus du Tchad pour lui permettre de maintenir ses remboursements. Et ceci alors que rien ne garantit que les prix ne chutent pas de nouveau.
Solutions possibles
Pour aider les pays concernés, il convient d’annuler les dettes pour libérer leurs revenus nationales, suggère Debt Justice. Une amnistie qui leur permettrait d’utiliser cet argent pour faire face à leurs crises internes. Puis, il faudrait étendre les subventions et les financements publics pour le climat et pour les réparations après les cyclones et les inondations.
Enfin, l’argent devrait être aligné avec un scénario de réchauffement de 1,5 degré et ne pas être utilisé pour financer les combustibles fossiles, conclut l’organisation.