Un diplomate sud-africain dénonce le plan de paix "non partant" de Zelensky négocié à Djeddah

L'Arabie saoudite a organisé des "pourparlers de paix" sur l'Ukraine, invitant une quarantaine de pays, excepté la Russie. Le plan de paix de Zelensky qui a été étudié à cette rencontre, n’a aucune chance d’être réalisé, affirme à Sputnik Afrique Kingsley Makhubela, spécialiste de la résolution des conflits et ancien ambassadeur sud-africain.
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Le "plan de paix" avancé par le Président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui a fait l’objet de discussions par une quarantaine de pays, début août, en Arabie saoudite, en l’absence de la Russie, est une initiative a priori "vouée à l’échec", a estimé au micro de Sputnik Afrique Kingsley Makhubela, spécialiste de la résolution des conflits, directeur de RiskRecon et ancien ambassadeur sud-africain.
Pour lui, pour résoudre un conflit, l’implication de toutes les parties est cruciale. Ainsi, "une conférence de paix sur l'Ukraine ne peut pas avoir lieu sans la participation de la Russie".
"C'est juste une mauvaise chose d'avoir un soi-disant accord de paix sans toutes les parties impliquées dans le conflit. C'est donc voué à l'échec", a martelé M.Makhubela.
Il a également exprimé une vision pessimiste sur l'issue des pourparlers de Djeddah. Pour lui, exclure la Russie et se concentrer sur une position qui cherche sa capitulation, n'est pas une stratégie viable. Cela ne fera que dégrader les positions et saper davantage la possibilité de parvenir à une solution pacifique. Dans ce contexte, le rôle de l'Arabie saoudite en tant que médiateur est plus que douteux.
"L'Arabie saoudite veut être un médiateur. Comment devient-on médiateur quand on est assis avec un groupe qui se met d’accord sur comment isoler la Russie et préparer sa capitulation? C'est donc là que réside le problème", a-t-il ajouté.

"Une grande erreur" de l’Occident

Selon l’expert sud-africain, la réunion de Djeddah a été organisée par les puissances occidentales pour "formuler la position ukrainienne" sur la crise. Mais "c'est là que l'Occident et les personnes invitées à la réunion commettent une grande erreur", a souligné l'ancien diplomate.
La position en 10 points de Zelensky, que M.Makhubela a qualifiée de "non partante" pour les négociations, exige la répartition et le retour à l’Ukraine de la Crimée et des territoires du Donbass. Selon l’ex-ambassadeur, ce n’est plus une proposition de paix mais celle d’une "capitulation de la Russie ce qui est pratiquement impossible". M.Makhubela estime ainsi que la rencontre à Djeddah n’aura aucun impact.
La militarisation des pays voisins de l’Ukraine, notamment la hausse du budget de défense allemand d'environ 100 milliards d'euros, peut être considéré par Moscou comme un acte hostile de l’Occident, note M.Makhubela. Il souligne qu’il s’agit d’une erreur fondamentale dans l'approche adoptée jusqu'à présent.
"Qu’est-ce que cela représente du point de vue d’une menace à la sécurité de la Russie? C’est parce que la Russie a été toujours perçue comme ennemie par l'Occident, et c'est ici qu’une erreur fondamentale a été commise", a assuré le politologue.

Doubles standards

Il a ajouté que les personnes rassemblées à Djeddah, "parlaient du respect de l'intégrité territoriale, mais elles avaient oublié que le Kosovo s’était séparé de la Serbie sous le même prétexte que les régions du Donbass".
"Maintenant, pourquoi peut-on appliquer une chose à un domaine mais on ne l’applique pas par rapport à un autre? Ce sont des questions controversées. Elles doivent être laissées aux parties pour en parler, pour essayer de trouver une solution", a expliqué le politologue.

Initiative chinoise

L’interlocuteur de Sputnik Afrique a qualifié de plus équilibré le plan de négociations en 12 points proposé par Pékin en 2022.
"La position chinoise sur les négociations est très équilibrée car elle parle des préoccupations de sécurité de la Russie et de la sécurité mondiale. Il n'y a aucun moyen pour que le conflit entre la Russie et l'Ukraine soit résolu sans faire attention aux points fondamentaux de la sécurité russe. Cela doit être discuté, et l'architecture de sécurité [internationale, ndlr] doit être totalement différente", a-t-il dit.

La contribution de l'Afrique

Tout en discutant de la contribution potentielle de l'Afrique, Makhubela a souligné l'importance pour les pays africains d'adopter une position équilibrée en tant que médiateurs. Il a critiqué les déclarations prononcées lors du récent voyage de la mission de paix africaine à Kiev et à Saint-Pétersbourg.
"La contribution de l'Afrique à la résolution du conflit doit se baser sur une position équilibrée. La position adoptée par l'Afrique lors de leur voyage à Kiev et à Saint-Pétersbourg, à mon avis, était une grosse erreur", a déclaré l'expert.
Selon le diplomate sud-africain, qui possède une vaste expérience dans la résolution des conflits dans les pays comme le Soudan et la Somalie, adopter une position sur des questions contentieuses telles que le retour des enfants et le respect de l'intégrité territoriale, pourrait entraver l'efficacité des efforts de médiation. Selon lui, ces sujets doivent être "résolus à la table des négociations" entre les parties au conflit.
"L'Afrique devrait cesser de se prononcer sur ce qu'elle pense [sur différents sujets du conflit, ndlr]. Il ne s'agit pas d’elle, il s'agit de la Russie et de l'Ukraine, et en tant que médiateur, vous ne pouvez pas prendre une position sur des sujets liés au conflit. Je pense que l'Afrique devrait s’abstenir de faire connaître sa propre position", a noté M.Makhubela.

Qui est le vrai opposant des négociations Russie-Ukraine?

L’interlocuteur de Sputnik Afrique pointe du doigt le narratif de l'Occident qui présente Moscou comme peu disposé à rechercher une solution pacifique et négociée en Ukraine. Selon lui, la volonté du Président Poutine de résoudre pacifiquement le conflit a été clairement visible lors du deuxième sommet Russie-Afrique à Saint-Pétersbourg, les 27-29 juillet derniers.
"La Russie a commencé son opération spéciale parce que la voie des négociations était déjà fermée. L'Occident a persuadé Zelensky de ne pas négocier avec la Russie. Et même Boris [Johnson, l'ancien Premier ministre du Royaume-Uni, ndlr] s’est rendu à Kiev de Londres pour persuader Zelensky de ne pas négocier, alors que des discussions étaient sur le point de commencer", a déclaré l'ex-diplomate.
Des personnes comme le secrétaire d'État américain Antony Blinken "sont sorties pour dire: "non, dans ces circonstances, il ne devrait pas y avoir de négociations. Pour que des négociations aient lieu, la Russie doit se retirer et la Russie doit être soumise pour accomplir les dix points que Zelensky est en train de dessiner", a pointé M.Makhubela.
Ces conditions, selon l'expert, créent des obstacles au succès des négociations et entravent la perspective de parvenir à une résolution pacifique.
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