Le Pentagone a-t-il une vision dépassée de l’outil militaire? Alors que l’institution est secouée par de récentes fuites d’informations, c’est toute sa stratégie d’armements qui est à revoir, a affirmé le colonel à la retraite Douglas McGregor, dans un entretien avec la journaliste Natalie Brunell.
Selon lui, l’armée américaine continue de vivre sur l’héritage de la Seconde Guerre mondiale, en misant sur des unités imposantes et encombrantes, difficiles à déplacer. Une approche qui n’est plus en phase avec les exigences actuelles, comme le montre le conflit en Ukraine.
"Notre établissement militaire actuel reste un hommage brillant à la Seconde Guerre mondiale. Nous construisons toujours des flottes de surface, des groupements tactiques de porte-avions, de grandes divisions militaires encombrantes […] Mais le monde ne se bat plus comme ça [...] Ce qu’il se passe en Ukraine change fondamentalement la donne. C'est un énorme problème", a ainsi déclaré le haut gradé.
Douglas McGregor a souligné que cet immobilisme était porté par les élites politiques, qui souhaitent à tout prix investir dans le complexe industrialo-militaire, sans avoir de vision à long terme.
"Vous voulez garder cet établissement militaire monstrueux, et vous continuez à insister sur le fait que c'est vital car, si quelque chose n'est pas dépensé, ne serait-ce qu'un centime de moins ou dix milliards de moins, nous risquons d'être conquis, capturés et détruits", a-t-il ainsi ironisé.
Limites économiques et diplomatiques
Le haut gradé a cependant expliqué que cette approche se heurtait désormais aux réalités économiques américaines: les financements du ministère de la Défense commencent à poser problème. Une analyse déjà avancée par l’économiste français Jacques Attali, qui a récemment affirmé que l’endettement américain pesait sur le secteur militaire, certains personnels n’étant plus désormais payés que par des "expédients".
Douglas McGregor a par ailleurs fustigé l’approche diplomatique américaine, qui continue de voir la Russie à travers le prisme de la Guerre froide. Washington croit toujours combattre l’Union soviétique, ce qui empêche l’établissement de relations normales, a-t-il ainsi affirmé.
Fin mars, l'ancien secrétaire d'État américain Henry Kissinger, souvent salué pour ses analyses politiques, avait affirmé que Washington reproduisait également ces logiques de Guerre froide à l’égard de Pékin.