"La doctrine de la politique extérieure russe s’appuie essentiellement sur une démarche diplomatique qui met en avant la coopération à égalité avec les autres pays souverains. C’est une doctrine qui promeut le dialogue et la diplomatie pour la résolution des problèmes ou de conflits et, seulement après, en cas d'agression, elle envisage la force", affirme au micro Radio Sputnik Afrique Karine Bechet-Golovko, Professeure invitée de droit à l'Université d'État de Moscou (MGU), analysant la nouvelle doctrine de la politique extérieure de la Russie. Ce document fondamental a été approuvé le 31 mars 2023 par Vladimir Poutine.
À contrario, la doctrine de l’Otan issue du sommet des chefs d’État de juin 2022 comme la doctrine du "Concept conjoint de la compétition stratégique" américaine, publiée le 10 février 2023 par l’état-major interarmées des États-Unis, "ont une position absolument inverse", estime Mme Bechet-Golovko. Et de préciser que "ce sont des doctrines agressives. Lorsque vous lisez la première partie de la doctrine de l'Otan, dont à mon avis il serait intéressant de poser la question à un psychanalyste, cette organisation se sent encerclée et agressée de partout. Tout autour d’elle, tout le monde porte atteinte à ses intérêts vitaux".
Cette vision se renforce davantage dans la théorie américaine, "qui est une doctrine d'agression et de guerre". La spécialiste explique comment utiliser toutes les ressources des États-Unis et de leurs alliés pour défendre les intérêts américains. "Les États-Unis, in fine, ne supportent pas que d'autres intérêts nationaux soient en concurrence avec les intérêts américains et donc tous les moyens sont bons pour les détruire".
Selon Mme Bechet-Golovko, dans la conception russe, il y a un équilibre entre la valeur incontestée d'un État souverain et l’idée de blocs: "Aujourd'hui il est difficile pour un pays de défendre ses intérêts tout seul, mais s'il n'est pas souverain, il ne deviendra qu'une colonie d'un autre État". Dans le monde multipolaire émergeant, notamment via les BRICS (Brésil, Russie, Chine, Inde et Afrique du Sud), "les pays africains ont une chance de se développer, à condition qu’ils mettent tous les moyens de leur côté pour la saisir", souligne l’interlocutrice de L’Afrique en marche.
À ce titre, elle rappelle que la Russie, en plus de sa politique actuelle, a à son avantage l’héritage de la politique de l’Union soviétique (URSS). "À l'époque, l’URSS avait participé largement au processus de décolonisation de l’Afrique et a très tôt mis en place des structures de coopération, notamment dans le domaine de l'enseignement, de la recherche et sur place entre en Afrique, mais également à Moscou avec l'Université de l'Amitié des peuples rebaptisée Patrice Lumumba, ce qui est une excellente nouvelle".
Enfin, elle affirme qu'il "est important pour les pays africains de mettre en place des structures qui permettront à la fois de former leurs propres élites, mais également de garder celles présentes actuellement dans les pays. Aucun État ne peut se développer s'il n'a pas d'élites nationales, parce que seules les élites nationales peuvent avoir conscience des besoins de l'État et de la société".
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