Alors que le franc CFA s’apprête à "fêter" ses 77 ans d’existence, la monnaie imposée à l’époque coloniale est plus que jamais critiquée. Plusieurs voix s’élèvent pour demander son abandon pur et simple, mais la France continue de s’accrocher à ce vestige du passé, qui lui permet de garder une forme de contrôle sur les économies africaines, explique à Sputnik Hamidou Sawadogo, enseignant à l'université Joseph-Ki-Zerbo de Ouagadougou.
"La France cherche toujours à conserver le contrôle du franc CFA parce que elle a ses intérêts […] C'est une nouvelle forme de colonisation, qui est monétaire. Elle passe par la dette et par des accords de coopération que nous signons, c’est nouvelle forme d'impérialisme", affirme ainsi l’économiste.
Pour Oumar MC Koné, Président de la Mission d'appui à la refondation de l'État (MARE) du Mali, "ce système est un impôt français infligé aux Africains, qui freine l’acquisition d’une souveraineté monétaire, ce qui, in fine, empêche tout processus d’industrialisation, de réalisation de grandes infrastructures."
"Cela nuit au développement socio-économique de 14 pays africains et des Comores"
La dernière forteresse française?
La France est d’autant plus encline à s’accrocher au franc CFA qu’elle se sait contestée sur tout le reste. Certains pays africains protestent de plus en plus contre la présence militaire française sur leur territoire, comme le Mali ou le Burkina Faso. Paris ne peut plus non plus contrôler la Justice dans ces pays, depuis la décolonisation. Il ne reste donc plus que le volet financier, pour tenter de garder une certaine influence en Afrique, explique Hamidou Sawadogo.
"Tout pouvoir est fondé essentiellement sur ses trois composantes: la justice, la sécurité et la finance […] Il y a aussi aujourd’hui une certaine indépendance qui est réclamée sur les questions de sécurité. Et la justice, c'est très difficile pour la France de contrôler […] Reste donc la question monétaire", explique ainsi l’économiste.
L’impression et la gestion du franc CFA permettent donc à Paris de garder un certain poids "dans les sphères de décision", résume le chercheur.
"La France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts"
Le responsable malien admet que les responsables africains ne sont pas exempts de tout reproche, ayant parfois du mal à parler d’une même voix et à assumer leur "africanité", concernent en particulier la création de l’Eco. Mais avec le franc CFA, la France joue aussi sa propre partition, visant à préserver ses intérêts en Afrique.
"Le CFA est une rente pour la France. Comme le général De Gaulle le disait : +la France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts+. De ce fait, elle ne fait que défendre ses intérêts. Les Africains doivent défendre les leurs, c’est désormais une question de survie des peuples", résume ainsi l’interlocuteur de Sputnik.
En août dernier, la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) avait déjà évoquée une possible réforme du franc CFA, lors de la tenue de ses États généraux, au Gabon.
En Afrique de l’Ouest, l’Eco était censé venir remplacer à moyen terme le franc CFA, mais sa mise en place rencontre d’importantes difficultés.