"Le Sénégal se classe actuellement huitième au monde pour les risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Selon l’Évaluation nationale des risques de blanchiment d’argent, l’un des principaux facteurs dans le pays est le trafic de drogue, une économie illégale qui génère près de 360 millions de dollars (200 milliards de francs CFA) par an. Les trafiquants de drogue utilisent diverses opérations pour blanchir leur argent, l’immobilier et la construction étant les secteurs privilégiés", souligne Abdelkader Abderrahmane, auteur de l’étude.
"La flexibilité de l’immobilier, qui permet de dissimuler l’origine des fonds de l’investissement et du propriétaire, rend le secteur attractif pour quiconque souhaite faire passer des fonds illicites dans l’économie légitime. En 2011 déjà, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) affirmait que la facilité d’acquisition de biens immobiliers au Sénégal était exploitée par les trafiquants de drogue basés en Europe dans le but de blanchir de l’argent. L’absence de registre central et le recours à des noms d’emprunt par les investisseurs constituent une couverture",analyse Abdelkader Abderrahmane.
"L’argent liquide issu du trafic de drogue aurait également permis de stimuler la construction dans tout le pays et dans les villes côtières de Dakar, Saly et Mbour. Certains grands projets immobiliers sont soupçonnés d’être financés par le commerce illicite, dont Akon City, un mégaprojet financé par le chanteur américano-sénégalais Akon qui devrait être achevé en 2029. De nombreux Sénégalais craignent que cesystèmene fasse que faciliter le blanchiment d’argent. De même, untrafiquantde drogue français recherché par Europol a investi massivement dans des terrains et construit des centres commerciaux et des bureaux", signale l’Institut d’études de sécurité.
"Sur liste grise"
"Ces dernières années, le Sénégal a renforcé son cadre juridique et institutionnel pour lutter contre le blanchiment d’argent.Cependant, certaines de ces dispositions ne sont pas encore pleinement mises en œuvre. Malgré l’engagement du gouvernement à collaborer avec le GIABA et le GAFI pour lutter contre le blanchiment d’argent, la présence du Sénégal sur la liste grise de ce dernier indique que les progrès sont lents",fait savoir Abdelkader Abderrahmane.
"Cette situation est aggravée par le fait que la monnaie locale, le franc CFA, utilisé par tous lesÉtats membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), soit indexée sur l’euro. Par conséquent, les pays de l’Uemoa, et donc le Sénégal, n’ont pas de contrôle sur les flux de leur propre monnaie, qui est en outre imprimée en France", signale l’Institut d’études de sécurité.