Sahara occidental: le président d'une commission de l'UA accusé de servir un "agenda marocain"

La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) est accusée de ne pas avoir rapporté dans son rapport le blocage par le Maroc d’une mission dans les territoires du Sahara occidental. Une omission que les Sahraouis mettent sur le compte de l’attitude partiale du président de la CADHP.
Sputnik
La question des droits de l’homme dans les territoires du Sahara occidental sous contrôle du Maroc a provoqué une polémique lors de la 40e session ordinaire du Conseil exécutif de l'Union africaine qui s’est tenue du 2 au 4 février 2022 à Addis-Abeba. La teneur du rapport de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) était au cœur d’une controverse. Les représentants de l’Algérie et de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) ont condamné le fait que ce rapport d’activité de la CADHP "ne rende pas compte du blocage par les autorités marocaines d’une mission au Sahara occidental afin d’évaluer la situation des droits de l’homme".
"Le conseil exécutif, lors de sa 20e session, a demandé expressément à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) de mener une mission au Sahara occidental afin d’évaluer la situation des droits de l’homme et de formuler des recommandations en la matière (décision 775). Depuis, le Conseil exécutif ne cesse de réitérer sa demande pressante, mais malheureusement cette mission n’a pas pu se rendre dans les territoires sahraouis occupés", a souligné Amar Belani, l'envoyé spécial algérien chargé de la question du Sahara occidental et des pays du Maghreb.
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Acte délibéré

La décision 775 a été adoptée par le Conseil exécutif de l’Union africaine en mai 2013. Elle exigeait de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples de "compléter son rapport sur la mission d’établissement des faits en République arabe sahraouie démocratique, en y incluant la situation sur le territoire sous le contrôle du royaume du Maroc". Cette mission s’est cependant rendue dans les camps de réfugiés sahraouis situés dans la région de Tindouf, dans le sud-ouest de l’Algérie. La situation de blocage qui dure depuis des années était mentionnée dans les différents rapports annuels de la CADHP, mais pas dans le dernier en date.
Contacté par Sputnik, Abba Salek El Haissan, le président de la Commission nationale sahraouie des droits de l'homme (Conasadah), dénonce lui aussi le refus de la CADHP d’inscrire le blocage de cette mission dans son rapport. Il estime que l’absence de référence est un "acte délibéré" qu’il impute "au président de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples". Diplomate de la République démocratique du Congo (RDC), Rémy Ngoy Lumbu, a été élu à ce poste le 15 novembre 2021.

"Plusieurs éléments attestent de la partialité du président de cette instance quand il s’agit du Sahara occidental. Dès son élection, lors de la session ordinaire de la CADPH qui s’est déroulée par visioconférence, il a usé d’une terminologie contraire au statut juridique du Sahara occidental. Il avait évoqué publiquement les +provinces du sud du Maroc+. Nous lui avons transmis deux correspondances officielles à ce sujet, mais elles sont restées sans réponse. En intégrant dans son discours une terminologie contraire au statut juridique du Sahara occidental tel qu’il est reconnu par l’Onu et l’UA, il a commis un acte grave", insiste Abba Salek El Haissan.

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Le président de la Conasadah accuse le diplomate de la RDC "d’agir dans le cadre d’un agenda politique marocain". "C’est d’autant plus grave que le Maroc n’est pas État-partie à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. D’ailleurs, 54 pays africains l’ont ratifiée à l’exceptiondu Maroc". Selon Abba Salek El Haissan, Rabat refuse de ratifier cette charte de peur "d’être soumis à des obligations en matière de droits de l’homme".
"Le Maroc craint surtout que les Sahraouis aient la possibilité de dénoncer les violations devant le tribunal africain des droits de l’homme et des peuples. Visiblement, cela n’a pas empêché le Maroc d’agir pour ses intérêts au sein de la CADHP à travers le président Rémy Ngoy Lumbu", ajoute Abba Salek El Haissan.
Aucune réaction officielle n'a été communiquée par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples ni les autorités marocaines en réponse à ces accusations.
La question des droits de l’homme au Sahara occidental devrait se poser lors du 35e sommet ordinaire de l’Union africaine qui s’est ouvert samedi 5 février à Addis-Abeba. Une autre bataille diplomatique se jouera lors de ce sommet puisque les membres de l’organisation africaine devront statuer sur la demande d’Israël de devenir membre de l’UA. Une bataille qui opposera d’un côté les principaux soutiens d’Israël, à savoir le Maroc et le Rwanda, et de l’autre l’Afrique du Sud et l’Algérie.
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