Découvertes "significatives" de gaz au Maroc: pourquoi il faut tout de même rester prudent

Le Maroc semble bien déterminé dans sa quête d’indépendance gazière, surtout depuis que l’Algérie lui a fermé le robinet. Après l’annonce du gisement de Tendrara, une nouvelle découverte "significative" a été faite près de Larache. Une excellente nouvelle selon la société opérante, mais à prendre encore avec des pincettes selon les observateurs.
Sputnik
C’est une découverte "significative" qui "dépasse les attentes" de la société britannique Chariot Oil & Gas, spécialisée dans l’exploration gazière et détentrice de la licence Lixus à 75% aux côtés de l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM). Dans un communiqué daté du lundi 10 janvier, la société qui a démarré le forage du puits Anchois-2 mi-décembre 2021, dans le cadre du projet Anchois, s’est réjouie de la découverte d’un gisement, à 40 kilomètres de la ville de Larache, sur la côte atlantique.

"L'interprétation préliminaire des données confirme la présence d'importantes accumulations de gaz dans les objectifs d'évaluation et d'exploration du puits d'Anchois-2, avec une couche de gaz nette calculée de plus de 100 mètres, comparée à la couche de gaz de l'année précédente", précise le communiqué.

Pour le moment, la taille exacte du gisement n’a pas encore été déterminée. "D’autres analyses plus approfondies seront entreprises afin d’affiner l’évaluation du potentiel gazier découvert", a ajouté la société. Mais à en croire les communications du groupe, il s’agirait d’une découverte "importante", qui pourrait alors diriger le Maroc vers son projet de production interne et de réduction des importations. Contacté par Sputnik, Francis Perrin, chercheur associé au Policy Center for the New South de Rabat et directeur de recherche à l’IRIS, estime qu’il s’agit d’une découverte intéressante, notamment "du fait de l’épaisseur de l’accumulation gazière et de la qualité du réservoir".
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La zone avait d’ailleurs déjà fait l’objet d’une exploration en 2009 par le groupe espagnol Repsol. Mais selon différents rapports médiatiques, le potentiel n’était pas assez rentable pour y investir. Chariot Oil & Gas aurait quant à lui foré sur une profondeur plus importante, rapportait Jeune Afrique en 2019, citant des sources de l’ONHYM.

Engouement pour un territoire sous-exploité

Il s’agit de la seconde bonne nouvelle pour le secteur au Maroc, en l’espace de quelques semaines seulement, après la fermeture du robinet algérien à son voisin de l’ouest. En effet, le 30 novembre 2021, la compagnie britannique Sound Energy s’engageait quant à elle à "produire, traiter et livrer le gaz de la concession de Tendrara", découverte en 2018.
S’agirait-il d’un effet d’annonce médiatique ou d’une accélération de l’activité suite à la crise Maroc-Algérie? Pour Anas Abdoun, analyste senior à Stratas Advisor, cette effervescence s’explique notamment par la nouvelle place du gaz et de l’énergie dans le monde.

"Il y a une hausse des prix, une augmentation de la demande qui semble se confirmer sur le long terme qui a pour conséquence une augmentation des explorations gazières à travers le monde". En ce qui concerne le Maroc, "la législation adoptée il y a quelques années permettant aux entreprises de détenir une participation de 75% des champs d’exploration contre 25% auparavant a sans aucun doute joué un rôle dans la recrudescence des entreprises pétrolières qui viennent explorer les sous-sols du royaume", explique-t-il à Sputnik.

Ainsi, à fin novembre, 13 sociétés opéraient en partenariat avec l’ONHYM dans le pays, motivées notamment par le potentiel d’un sous-sol largement sous-exploité. Une sous-exploitation que le pays doit entre autres à la stratégie adoptée à l’époque par l’ancien roi Hassan II davantage orientée vers une économie diversifiée, au détriment du secteur des hydrocarbures. Pourtant, fin octobre, Graham Lyon, PDG de la compagnie britannique Sound Energy, qui détient la concession de Tendrara, assurait que le Maroc est "assis sur des réservoirs avec une géologie similaire à l’Algérie, ayant fait une fraction de l’exploration que les Algériens ont faite". Mais au mois de novembre, seulement 365 puits ont été forés. La ministre marocaine de la Transition énergétique, Leila Benali, indiquait une densité de forage de quatre puits par 10 km2 en moyenne, contre une moyenne mondiale de 1.000 puits par km2.
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Prudence

Si la découverte de Larache se confirme, elle viendra donc s’ajouter au gisement de Gharb, dans le nord-ouest du pays, de Meskala à Essaouira et de Tendrara dans le nord-est. Les deux spécialistes des questions énergétiques joints par Sputnik préfèrent néanmoins rester "prudents" face à ce genre d’annonces. Il serait habituel que les sociétés opérant dans le secteur communiquentsur leurs résultats, particulièrement lorsqu’ils sont encourageants, et ce, afin d’attirer de potentiels investisseurs ou bien pour se faire financer par la bourse.

"Les compagnies pétrolières ont tout intérêt à communiquer sur leurs avancées et découvertes qu’elles soient majeures ou modestes, pour rassurer les investisseurs et les actionnaires. Les autorités nuancent et tempèrent rarement ces annonces tant elles espèrent que cela suscite l’engouement d’autres entreprises désireuses de prospecter", explique à ce titre Anas Abdoun, qui dit qu'il faut prendre l'information "avec des pincettes". D’ailleurs, Chariot Oil & Gas, qui opère actuellement en offshore, a observé un bond de ses actions après son annonce.

Mais le Maroc se souvient encore de l’épisode de la pseudo découverte de Talsint, à l’ouest du pays, qui devait lui permettre plusieurs années d’autosuffisance et qui avait défrayé la chronique dans les années 2000. L’ONHYMl’a d’ailleurs bien compris et se montre dorénavant plus vigilante dans ses communications, se contentant de constater des "résultats encourageants" pour le projet Anchois.
Longtemps dépendante des importations auprès de ses partenaires, la production nationale en gaz est encore très faible à ce jour. Mais la fermeture du robinet du Gazoduc Maghreb-Europe par l’Algérie et les besoins énergétiques mondiaux marqueront sans doute un accélérateur pour la prospection gazière au Maroc, dont les caractéristiques seraient "prometteuses".
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