C’est dans un contexte géopolitique particulier que s’est exprimé le roi Mohammed VI sur les chaînes télévisées et radios marocaines, samedi 6 novembre, à l’occasion du 46e anniversaire de la Marche verte. En pleine zone de turbulences avec l’Algérie, son discours, exclusivement axé sur le principal sujet de discorde entre les deux pays, s’inscrit dans le cadre de la commémoration de la marche pacifique lancée par Hassan II en 1975 vers le Sahara alors espagnol.
D’un ton ferme et clair, et plaidant avant tout en faveur d’un "règlement pacifique" du conflit, ce discours marque une nouvelle ère pour le dossier du Sahara occidental, du point de vue des Marocains. Le souverain annonce la couleur, et appelle ses partenaires à formuler des "positions plus audacieuses et plus nettes au sujet de l’intégrité territoriale du Maroc". Parce que ce territoire "n’est pas à négocier", il informe alors que le Royaume n’engagera désormais aucune démarche économique ou commerciale qui ne comprenne pas le "Sahara marocain", appellation officielle au Maroc. Bien qu’il ne nomme pas explicitement les "partenaires" en question, les observateurs font le parallèle avec l’annulation de la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE), des décisions relatives aux accords agricole et de pêche, suite à un recours du Polisario déposé en mars 2019.
"On pense notamment aux pays qui considèrent la solution de l’autonomie comme sérieuse et crédible pour le règlement de ce différend, mais qui ne franchissent pas le cap."
Serait-ce alors un moyen de forcer la main à ces partenaires? Il s’agirait plutôt d’une position cohérente et "très rationnelle", selon M.Tossa:
"On ne peut pas militer dans les Forums internationaux sur la marocanité du Sahara, et accepter d’avoir des relations économiques avec des pays qui excluraient ces territoires… c’est à ces pays de revoir la nature de leurs accords commerciaux". Selon lui, ne pas adopter cette posture serait plutôt une "contradiction flagrante" de la part du Royaume, "que d’accepter que le pays soit traité de façon discriminatoire".
"Des avancées"
En filigrane, le roi mentionne les avancées qu’ont connues ces territoires que le Maroc appelle "ses provinces du Sud". Sur le plan économique, il parle d’"un essor général", du fait, notamment, de son attractivité auprès de potentiels investisseurs, mais aussi d’un territoire devenu lieu de rencontres et d’échanges. Pour rappel, en 2015, le souverain lançait un important programme de développement de la région, d’un montant avoisinant les 80 milliards de dirhams (environ 7,6 milliards d'euros). À fin août 2021, plus de 200 projets avaient été achevés pour un coût global de 15,17 milliards de dirhams (environ 1,4 milliard d'euros), selon le ministère de l’Économie et des finances.
Sur le plan politique, le roi considère que seuls les conseils élus "démocratiquement, librement et de manière responsable dans les provinces et régions du Sahara sont les véritables représentants légitimes de la population locale". Des propos qui renvoient sans doute aux taux de participation aux élections du 8 septembre, estimés à 67% dans la région de Laâyoune, 64% à Guelmim et 58% à Dakhla, selon l’agence de presse locale. Enfin, sur le plan diplomatique, le souverain se félicite, pour la première fois, de l’engagement de vingt-quatre pays d’ouvrir un consulat dans les villes de Laâyoune et Dakhla, territoires revendiqués par le Polisario, après s’être réjoui de la décision prise par les États-Unis de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.
Quid de l’Algérie?
L'absence de l'Algérie dans le discours a marqué la Toile et la presse étrangère. Aucune mention faite du frère ennemi qui avait décidé de rompre ses relations diplomatiques avec le Royaume il y a quelques mois, si ce n’est des souhaits de "prospérité" adressés à l’ensemble des cinq pays du Maghreb. Sur fond d’accusations de part et d’autre, de guerre médiatique et énergétique, certains se demandent si le roi ignore son voisin après deux mains tendues restées sans réponse ou bien s’il s’agit d’une nouvelle politique. Pour les Marocains et certains analystes internationaux, il s’agit plutôt d’un signe de "sagesse" pour éviter toute surenchère. Mustapha Tossa, lui, estime que les Marocains "ne prennent pas trop au sérieux" les accusations "farfelues" d’avoir brûlé la Kabylie, ou encore plus récemment, du meurtre de trois camionneursalgériens. L'analyste franco-marocain estime même que le roi n’allait pas "s’abaisser [au niveau de] ces attaques".