"Les crises qui se succèdent peuvent conduire à un clash qui serait déplorable pour le Bénin". Pour le politologue béninois Richard Boni, c’était bien pour éviter ce scénario que l’ex-Président béninois Thomas Boni Yayi a demandé à s’entretenir avec le chef d'État Patrice Talon, une audience accordée ce 22 septembre.
Fondateur du cabinet de conseil basé au Canada We Think It, Richard Boni avait récemment publié dans la presse béninoise une série de lettres ouvertes à la classe politique, appelant justement à une rencontre entre les deux hommes pour décrisper la crise politique.
Cette crise qu'avaient déclenchée des réformes institutionnelles avant les législatives de 2019 s’est exacerbée au lendemain de la présidentielle d’avril dernier, avec l’emprisonnement de plusieurs leaders de l’opposition.
"Nous avons convenu que la décrispation politique est indispensable à la paix durable dans notre cité commune, afin d'assurer notre vivre ensemble dans la cohésion et la concorde nationale", déclarait pour sa part à la presse l’ancien Président béninois à la sortie du palais de la Marina.
Patrice Talon, lui, n’a fait aucune déclaration sur l’objet de la rencontre. Tout au plus a-t-il adressé des amabilités à l'endroit de son prédécesseur, faisant part de son "émotion" à l'occasion de cette audience. D'amis, les deux hommes qui ne s'étaient plus rencontrés depuis 2016 sont devenus de véritables ennemis politiques, allant jusqu'à s'échanger des invectives, non sans quelques appels au dialogue et à l'apaisement, quelques fois, de part et d'autre.
Libérer les prisonniers politiques
Thomas Boni Yayi, qui est président d'honneur d'un parti d'opposition, a aussi indiqué avoir demandé au Président Talon de prendre des mesures urgentes, dont la libération des détenus politiques et celle "des jeunes en souffrance dans les prisons du Bénin" et "favoriser le retour des exilés politiques béninois, condamnés ou non".
Parmi ceux-ci, l’homme d’affaires Sébastien Ajavon arrivé troisième à la présidentielle de 2016. Condamné plus d'une fois pour des affaires de droit commun, il s’est exilé en France en 2019.
L’ex-Président béninois a en outre affirmé avoir suggéré à son successeur la tenue d’un dialogue politique et la création d’un cadre de concertations entre anciens Présidents du Bénin pour "prévenir toute crise successible de remettre en cause la paix, le vivre ensemble et la démocratie au Bénin".
"Victoire d'étape"
Le Président Talon, va-t-il agir selon les suggestions de son prédécesseur? L’analyste béninois Richard Boni pense qu’une "victoire d’étape" dans la consolidation de la démocratie béninoise a été franchie avec la rencontre de ce 22 septembre, entre deux hommes qui ont "mis de côté leurs egos".
"Il faut espérer que cette rencontre débouche sur un processus de dialogue national qui permettra de renforcer la démocratie béninoise, de redonner le pouvoir à l'opinion pour se prévaloir de son droit de regard sur la gestion publique, de renforcer les institutions et le retour en scelle de la société civile", a affirmé Richard Boni.
Pour sa part, David Dosseh, coordonnateur du sommet sur "la bonne gouvernance, l’alternance et la démocratie en Afrique de l’Ouest" dont la deuxième édition s’est tenue les 9 et 10 juillet dernier à Cotonou, trouve qu’en recevant son prédécesseur, "le Président Talon se démarque de plus en plus par son leadership".
"On a le sentiment qu'il met au-devant l'intérêt supérieur de la nation béninoise et pose les actes qui vont dans le sens de la démocratisation. C’est tout à son honneur, surtout quand on voit la triste fin politique d'Alpha Condé [le Président de la Guinée renversé le 5 septembre, ndlr]. Il est intéressant de suivre ce qu'il adviendra ces prochains jours et si certaines personnalités en détention pourraient être libérées", a-t-il confié à Sputnik en exprimant l'espoir que "ces exemples seront suivis dans d'autres pays où l'espace civique est des plus restreints".