Les Algériens sont décidés à ne plus faire de cadeau à leurs voisins marocains. Jeudi 23 septembre, les autorités algériennes ont procédé à la fermeture d’un tronçon de la route nationale 10, une voie stratégique au Maroc qui relie sur 900 kilomètres, du nord au sud, la ville de Bouarfa à celle d’Agadir. Menée par un groupement de gardes-frontières (GGF) de la région de Béchar (1.000 km au sud-ouest d’Alger), l’intervention a donné lieu à de vives réactions dans les réseaux sociaux marocains.
"Acte de souveraineté"
Plusieurs médias marocains ont évoqué une intervention de l’armée algérienne pour s’emparer d’une portion du territoire marocain, ce qui aurait donné lieu à une réaction musclée des Forces armées royales. Chose qui ne s’est pas produite. Sur le plan officiel, il n’y a eu aucune réaction de la part des autorités des deux pays. Sur la carte de cette zone, la route nationale 10 pénètre dans le territoire algérien près de l’oued (rivière) Zelmou. Tracé par les autorités françaises du temps du protectorat au Maroc, ce passage par cette "corne" de l’Algérie, considérée à l’époque comme territoire français, était certainement imposé par la configuration du terrain. Contacté par Sputnik, Akram Kharief, journaliste spécialiste en question de défense et directeur du site spécialisé Menadefense, suit la situation à oued Zelmou depuis le début de l’opération. "Contrairement à ce qui a été écrit, il n’y a pas eu d’affrontements entre les GGF et les militaires marocains", insiste-t-il. Selon lui, le blocage de la RN 10 sur le territoire algérien est "un acte souverain".
"Les autorités algériennes ont dépêché des gardes-frontières pour mettre fin à cette situation, car Alger a demandé depuis un certain temps à la partie marocaine de réaliser un contournement. Finalement, ils ont décidé de faire appliquer la loi. C’est un acte souverain qui n’est pas contestable", affirme Akram Kharief à Sputnik.
Cet événement rappelle ce qui s’est produit au mois de mars 2021 lorsque les autorités algériennes avaient décidé de récupérer l’oasis d’El Arja, près de Beni Ounif, toujours dans la wilaya (département) de Béchar. Depuis plusieurs décennies, des agriculteurs marocains vivants à la limite de la frontière ont exploité des palmiers situés sur le territoire algérien. La présence des exploitants a longtemps été tolérée jusqu’au jour où les autorités algériennes ont décidé de leur interdire l’accès à El Arja qui est devenue une zone de transit de la drogue produite au Maroc d’après des sources locales algériennes. Sauf que le contexte dans l’affaire d’oued Zelmou est marqué par de très fortes tensions entre les deux pays. Mettant en avant des actions "hostiles" de la part de son voisin de l’ouest, Alger a décidé de rompre ses relations avec Rabat le 24 août 2021.
Depuis, le gouvernement algérien a pris plusieurs mesures contraignantes, notamment la non-reconduction du contrat de livraison de gaz naturel qui arrivera à terme le 31 octobre 2021. Mercredi 22 septembre 2021, le Haut conseil de sécurité présidée par le Président algérien Abdelmadjid Tebboune a annoncé la "la fermeture immédiate de l'espace aérien de l'Algérie à tous les aéronefs civils et militaires marocains ainsi qu'à ceux qui portent un numéro d'immatriculation marocain". Une mesure qui risque d’avoir des répercussions financières pour la Royale Air Maroc (RAM) dont de nombreux avions passent par l’espace aérien algérien pour se rendre au Moyen-Orient ou en Afrique de l’Ouest. Alger ne compte pas s’arrêter là. Vendredi 24 septembre, dans une déclaration à l’agence de presse Reuters, Amar Belani, envoyé spécial de l’Algérie chargé de la question du Sahara occidental et des pays du Maghreb arabe a indiqué que les autorités algériennes n’excluent pas "l’adoption de mesures supplémentaires". "L’Algérie fera preuve d’une extrême vigilance et d’une fermeté absolue pour la protection et la sanctuarisation de son territoire national", a souligné le diplomate algérien. Se pourrait-il qu’Alger marque un arrêt dans l’exportation d’électricité vers son voisin? Cette situation pourrait être très contraignante pour le Maroc qui utilise une partie du gaz naturel algérien pour produire de l’énergie électrique.