Déjà sérieusement secoué par une crise sociopolitique, le Tchad doit encore faire face aux interminables conflits intercommunautaires qui menacent depuis longtemps sa cohésion nationale. Il s'agit de foyers de tension qui représentent un risque potentiel dans un contexte sécuritaire déjà fragile, avertit Acheikh ibn Oumar, ministre d'État en charge de la réconciliation nationale et du dialogue dans le gouvernement de transition, dans un entretien à Sputnik: "le plus gros risque de ces conflits intercommunautaires, c'est que les groupes terroristes présents tout le long des frontières arrivent à exploiter ces combats".
Le 19 septembre, des affrontements ont éclaté et se sont poursuivis jusqu’à ce début de semaine, entre des cultivateurs et éleveurs nomades
dans l’est du Tchad, faisant au moins 27 morts, selon les autorités. Au centre des discordes, des terres vendues par les chefs traditionnels de la localité aux nomades arabes, que les cultivateurs autochtones ne souhaitent pas voir s’établir sur leur terroir. S’exprimant sur ce dernier conflit dans une sortie sur sa page Facebook, Mahamat Ahmat Alhabo, ministre de la Justice, souligne que les deux communautés se disputent
"une superficie de 25 km2" et se désolent de la récurrence de ces conflits.
Acheikh ibn Oumar confirme que ces conflits n’ont "rien de politique".
Il s'agit bien de conflits récurrents. Vers la mi-avril 2021, par exemple, des affrontements meurtriers avaient fait une centaine de morts dans les villages de Sihep et d'Ambarit dans le sud-est du Tchad. Le 16 février dernier, plus de 35 personnes avaient été tuées dans la sous-préfecture de Mouraye, dans le sud du pays.
Le
Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), en juillet 2021, évoquait déjà un bilan s'élevant à plus de 300 morts et 182 blessés, plus de 6.500 personnes déplacées, sans compter la destruction de biens et de moyens de subsistance.
Acheikh ibn Oumar précise que "les pertes en vie humaine de ce type de conflit ont été surtout aggravées par la prolifération des armes au niveau des provinces frontalières avec des pays voisins en crise comme la Centrafrique ou le Darfour soudanais".
Dans un pays déjà divisé par de nombreuses crises internes, dirigée par une junte militaire et dont la stabilité ne tient que sur un fil depuis la mort d'Idriss Déby Itno, la moindre étincelle peut embraser toute la nation. Pour le moment, poursuit le ministre d’État chargé de la Réconciliation nationale et du Dialogue, "grâce à des mécanismes populaires, traditionnels, et administratifs, nous essayons de faire dialoguer les communautés et de limiter les dégâts […] Cependant, pour ce qui est de la circulation des armes dans le pays, tant qu'il n'y a pas de stabilité en Libye, ce sera toujours une source d'exportation d'armes et aussi un sanctuaire pour tous les groupes incontrôlés, des trafiquants, et autres. Nous pouvons essayer de mieux contrôler nos frontières, mais ce n’est pas une mince affaire".