Au Cameroun, les violences intercommunautaires font craindre «une balkanisation de l’État»

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Les forces de police camerounaises, image d'illustration - Sputnik Afrique, 1920, 13.08.2021
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Au moins 15 personnes ont perdu la vie dans les affrontements intercommunautaires qui se poursuivaient jusqu’à ce 12 août à l’Extrême-Nord du Cameroun. Les violences opposent les Arabes Chouas aux Mousgoums au sujet d’un litige foncier. Des rivalités qui viennent exacerber le repli identitaire dans le pays et mettent en péril l’unité nationale.
Les rivalités intercommunautaires vont-elles faire imploser l’unité du Cameroun? Alors que l’intégration nationale est déjà sérieusement menacée par des crises internes, la montée des discours de haine et des violences interethniques fait craindre le pire.
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Des faits récurrents

Alors que les tensions étaient toujours vives dans cette localité jusqu’à ce 12 août, le gouvernement camerounais n’avait encore pas communiqué sur ce drame. Et pourtant, les violences du genre sont fréquentes dans cette localité du Cameroun. En juin 2021, des affrontements s’étaient produits dans la localité de Makari, dans le département du Logone-et-Chari, entre les communautés Kotoko et les Arabes Chouas, toujours à cause d’un litige foncier. Au moins deux morts et plusieurs blessés avaient été enregistrés.
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Face à cette récidive, de nombreuses voix sont montées dans l’opinion au Cameroun pour condamner et s’inquiéter de cette situation. Dans une sortie sur sa page Facebook, Cabral Libii, député de l’opposition, tout en exprimant «sa compassion aux compatriotes endeuillés ou blessés», s’inquiète de la crise d’intégration nationale au Cameroun: «Mousgoums aujourd’hui ou Kotoko hier contre Arabes Chouas, Gbaya contre Peuls… les scores de morts sont impressionnants et tristes à chaque fois», a-t-il écrit.
«Guerres communautaires meurtrières ou larvées sur fond de conflits fonciers, coutumiers, religieux ou politiques, la crise d’intégration nationale au Cameroun ne cesse de prendre d’extraordinaires proportions», a ajouté l’opposant.
Dans une autre sortie, le secrétaire à la communication du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), parti d’opposition, dénonce «l’absence d’une politique foncière claire et adaptée aux réalités nationales» et demande «au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme à ce conflit et trouver des solutions durables», pour mettre fin dans l'avenir à pareils drames.

Le danger du repli identitaire

Alors que le pays est déjà traversé par un violent conflit séparatiste dans ses régions anglophones et que la rhétorique de la haine et de la division bat son plein depuis la présidentielle d’octobre 2018, le repli identitaire est désormais un sentiment que partagent nombre de Camerounais. À travers le territoire, de plus en plus de personnes se présentant comme natives d’une localité sont hostiles à celles qui sont issues d’autres régions. Leurs revendications vont de la primauté pour certains postes de responsabilité à la priorité quant à l’occupation des terres. En septembre 2020 à Douala, les populations du quartier Besseke ont manifesté contre la désignation par le préfet de la ville d’un chef non autochtone à la tête de leur quartier.
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En août 2020, une affaire foncière dans le sud du pays avait vite dégénéré en crise identitaire. Les populations de cette région s’insurgeaient contre la constitution par l’État, depuis 2012, d’une réserve d’environ 66.000 hectares sur leurs terres ancestrales. La révélation de l’attribution de 26.000 hectares de cette réserve à un homme d’affaires originaire de l’ouest du pays a suscité une levée de boucliers de la part de cette opposition. Un vent de repli identitaire qui fait craindre, alerte Hippolyte Éric Djoungep, chercheur non résident à Trends Research and Advisory et spécialiste des questions de terrorisme et de sécurité, «une balkanisation de la République par la création des États virtuels qui reposeraient exclusivement sur le socle ethnique. Dans un tel contexte, les États-ethnies du Cameroun pourraient prendre le dessus sur l'État lui-même».
«Cette propension à la revendication des blocs ethniques constitués par affinité historique, tribale, linguistique, voire culturelle, pourrait donner lieu à une escalade des conflits communautaires», prévient le spécialiste des conflits.
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Entre ces tensions ethniques et des inquiétudes politiques nourries par la bataille pour la succession de Paul Biya au pouvoir depuis 1982, la cohésion nationale est mise à rude épreuve. Hippolyte Éric Djoungep prescrit pour éviter l’implosion «la construction du sentiment d'appartenance à la communauté nationale qui doit prévaloir sur le sentiment d'appartenance à la communauté ethnique».
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