«Tout est bloqué entre le Maroc et l’Algérie», même l’aide humanitaire mutuelle. Alors que l’Algérie est confrontée à des incendies ravageurs dans 17 wilayas (départements) qui ont causé la mort d’au moins 69 personnes, dont 41 civils et 28 militaires, Alger refuse toujours l’aide de son voisin marocain. Alors qu’elle a déjà accepté celle de la France et de la Tunisie.
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Une proposition d’aide qui n’est pas anodine au regard de la stratégie régionale marocaine, affirme le politologue tunisien Riadh Sidaoui, directeur du Centre arabe de recherches et d’analyses politiques (Caraps).
«Le Maroc veut gagner des points auprès de l’opinion publique algérienne, maghrébine et internationale. Il le fait en montrant qu’il tente d’aider l’Algérie lorsque celle-ci souffre, mais cela ne change pas la réalité du conflit entre les deux pays et l’accumulation de griefs», explique-t-il au micro de Sputnik.
Une escalade si dramatique que la prochaine étape entre les deux frères ennemis serait, selon Riadh Sidaoui, «la guerre».
Depuis 1994 et les accusations marocaines de la participation des services secrets algériens à l’attentat de Marrakech, les deux pays n’ont jamais eu de relations normalisées. Plus récemment, sur fond de soutien algérien à l’autodétermination du Sahara occidental, sur lequel Rabat clame sa souveraineté, ces relations se sont considérablement envenimées.
Il y a moins d’un mois, l’animosité a franchi un nouveau palier lorsque l’ambassadeur du Maroc à l’Onu, Omar Hilale, a fait passer une note affirmant que «le vaillant peuple kabyle mérite, plus que tout autre, de jouir pleinement de son droit à l’autodétermination». Un soutien inédit à l’indépendance de la Kabylie et une ligne rouge franchie selon Alger qui a rappelé dans la foulée son ambassadeur au Maroc. À ce jour, la frontière terrestre entre les deux puissances régionales est fermée.
S’en est suivie l’affaire Pegasus, qui a révélé au mois de juillet la dimension quasi industrielle de l’espionnage chérifien sur l’Algérie, via les téléphones portables. Et ce, au plus haut niveau de l’appareil d’État.
Le Maroc «souffle le chaud et le froid»
En raison de ce passif lourd, Riadh Sidaoui doute de la sincérité de la démarche marocaine. Pour lui, elle serait une opportunité trop facile pour faire oublier les manœuvres passées. En effet, aider l’Algérie avec deux canadairs, «ça ne va pas changer la donne», explique le directeur du Caraps, alors que c’est un bon moyen d’améliorer son image.
«Les Marocains tentent généralement de faire baisser la tension dans le discours. Ils soufflent le chaud et le froid. Mais les Algériens rétorquent le plus souvent que les tensions entre les deux pays ne sont pas une question de discours, mais une question d’actes», nuance le chercheur.
Et selon lui, «quand on regarde les actes», le Maroc manifeste «une position hostile vis-à-vis de l’Algérie sur la scène internationale, régionale et dans les relations bilatérales».
«Les bonnes paroles ne changent pas la donne sur le terrain», poursuit notre interlocuteur.
Les Algériens ne sont pas dupes, affirme-t-il. Et cela va même plus loin: «Sur les réseaux sociaux, certains Algériens accusent le Maroc d’être derrière les feux qui se sont propagés sur les 17 wilayas algériennes.» En effet, les invectives se multiplient sur Internet:
De quoi doucher les espoirs d’apaisement.