En vigueur depuis la mi-mars 2020, l'état d'urgence sanitaire vient d’être encore une fois prorogé d’un mois sur l’ensemble du territoire marocain. Contenir la pandémie de coronavirus a été ressorti pour justifier cette décision annoncée par communiqué officiel, jeudi 3 juin, suite à une nouvelle réunion du Conseil de gouvernement tenue le jour-même, sous la présidence du chef du gouvernement Saâd-Eddine El Othmani.
Au moment où plusieurs pays, notamment les voisins européens du Maroc, lèvent l’état d’urgence sanitaire comme c’est le cas en France ou encore en Espagne, les Marocains se demandent sur les réseaux sociaux ce qui pourrait bien justifier cette énième prolongation. Surtout que le royaume de 36 millions d’habitants ne recense que 340 cas et cinq décès par jour en moyenne.
Excès de prudence?
Sputnik a posé la question au docteur Moulay Mustapha Ennaji. Ce professeur d'enseignement supérieur de virologie à l’université Hassan II de Casablanca est membre du Comité national technique et scientifique marocain. Présidé par le ministre marocain de la Santé lui-même, cet organe consultatif a pour mission d’éclairer l’exécutif dans la gestion de la situation sanitaire liée au coronavirus.
«Il est vrai que la situation épidémiologique dans l’ensemble du pays est actuellement rassurante. Tous les indicateurs sont au vert. Mais cela n’empêche que la prudence doit rester de mise. La pandémie est loin d’être vaincue sur notre territoire et donc elle peut à tout moment rebondir s’il y a relâchement. Pour éviter qu’un tel cauchemar ne survienne, comme c’est le cas maintenant au Portugal par exemple avec la levée de l’état d’urgence dans ce pays voisin, nous avons décidé le maintien de l’état d’urgence», ajoute-t-il.
Pour rappel, à la mi-mars, le Portugal avait entamé un déconfinement progressif. Le taux d'incidence était resté parmi les plus bas de l'Union européenne, à savoir 57,8 cas pour 100.000 habitants, jusqu’au 27 mai dernier. Or, une semaine après, cet indicateur a bondi à 66,4, dépassant ainsi la moyenne européenne de 63,7.
Cette situation a refroidi les autorités marocaines qui avaient commencé à alléger les mesures restrictives. Mais jusqu’à quand le royaume resterait-il en état d’urgence sanitaire?
«La sortie de l’état d’urgence est conditionnée par deux facteurs primordiaux», répond Moulay Mustapha Ennaji qui est aussi directeur du laboratoire de virologie à l’université Hassan II. «L'atteinte de l'immunité collective avec au moins 70% à 80% de Marocains vaccinés (jusqu’ici le Maroc n’en est qu’à 40%)» et «le respect des mesures barrières par tous, même ceux parmi nous qui sont vaccinés», poursuit-il. Et l’expert marocain en virologie d’ajouter: «Ces deux points-là sont critiques, leur amélioration représente l’unique indicateur pour une sortie de l’état d’urgence sanitaire et donc un retour à la vie normale dans l’ensemble de notre pays».
Suspense
Ce qui était sûrement le plus attendu du communiqué du jeudi 3 juin est une simple annonce sur la réouverture des frontières. Celles-ci restent, à ce jour, verrouillées avec 54 pays. Donc toute sortie à destination ou en provenance du Maroc est toujours interdite pour tous, sauf motif impérieux.
Pourtant, une note adressée aux navigants aériens émanant de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) avait donné un faux espoir. Ce document indiquait que l’espace aérien marocain resterait fermé jusqu’au 10 juin 2021, ce qui laissait espérer sa réouverture à la fin de cette échéance. «Pour l’instant, rien n’est fixé», tranche le docteur Ennaji.
«La question cruciale de la réouverture des frontières, qui ne peut être retardée davantage, fait l’objet d’une intense réflexion dans notre comité et au sein du gouvernement. Nous sommes tous favorables à lever les barrières, mais avec un cadrage strict. En tout cas, le retard est lié uniquement à des questions d’organisation», conclut-il.