Retrouver ses aïeux pour se réconcilier avec le passé.
Ce dimanche 23 mai, à l’occasion de la journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage colonial, des membres du Comité Marche du 23 mai98 (CM98) ont déposé des fleurs sur une stèle dédiée à la mémoire des esclaves. Un monument où sont affichés 213 prénoms, noms et numéros de matricule, chiffre correspondant au nombre d’années qu’a duré la traite négrière.
Une célébration symbolique qui revêt néanmoins un caractère initiatique pour de nombreux Ultramarins. Il faut dire que la question des noms et de leur attribution reste compliquée pour certains descendants d’esclave. Et pour cause, la possibilité de remonter leur arbre généalogique s’arrête brusquement, pour la plupart, en 1848, année de l’abolition. Pourtant, comme l’explique Emmanuel Gordien, président du Comité marché du 23 mai 98 (CM98), connaître ses aïeux est une étape primordiale pour «comprendre leur histoire, nos sociétés, mais surtout qui [ils sont, ndlr].».
«Cela permet d’apprendre à développer une mémoire apaisée de cette histoire traumatique qui a créé surtout la peur, des troubles de l’estime de soi et une certaine honte. Le fait de nous affilier permet de nous réconcilier avec nous-mêmes, l’Afrique, mais surtout la France», résume-t-il.
Pour donner les moyens de réussir cette quête d’identité, le CM98 a créé en 2012 la base de noms «anchoukaj.com» (affiliation). Une plateforme qui a vu le jour grâce au travail fastidieux d’analyse des «registres des nouveaux libres» en Guadeloupe et des registres des actes d’individualités en Martinique, réalisé à partir de 2006. Des documents administratifs où étaient consignés les noms de famille des esclavages affranchis par le décret du 27 avril 1848.
Se réconcilier avec l’histoire
Cette initiative mémorielle est née à la suite de la marche silencieuse de mai 1998 à Paris, où près de 40.000 Antillais, Réunionnais et Guyanais avaient défilé, en hommage «à [leurs] parents qui ont vécu le martyr de la traite et de l’esclavage colonial», se remémore Emmanuel Gordien, virologue de métier.
«Ensuite, nous avons mis en place des centaines de groupes de parole et on s’est rendu compte que tout ce que les gens racontent a un lien avec l’esclavage. On se pose donc la question: nous avons marché pour eux, pour apprendre leur histoire, mais est-ce que l’un d’entre nous connaît leur nom? Eh bien, non.»
Or «les noms que [les Ultramarins portent, ndlr] aujourd’hui ont été donnés de façon systématique aux esclaves après l’abolition», rappelle le président du CM98. En outre, ce travail d’archive a notamment mis en lumière la manière dont ces patronymes ont été attribués. Un processus pour le moins étonnant.