Candidat de la liste Ici Moscou– Français Souverains pour les élections consulaires en cours, ce fiscaliste de formation vit depuis vingt ans dans la capitale russe. Il entend bien porter la voix de ses concitoyens auprès des services de la République française. Une mission déjà difficile dans un pays traversé par onze fuseaux horaires. En outre, l’accumulation des sanctions décrétées depuis 2014 par les États-Unis puis l’Union européenne n’arrange rien!
Face à l’absence de soutien clair de Paris, les entreprises tricolores avaient réduit la voilure dans le pays, stoppant les investissements et tranchant dans leurs effectifs, en commençant par les expatriés. L’impact sur la communauté française ne s’est pas fait attendre. Après un pic en 2013 à un peu plus de 6.000, le nombre de Français vivant en Russie inscrits au registre mondial est progressivement tombé aux alentours de 4.700 en 2020. Soit une baisse officielle de 22% en sept ans.
Des parents français se tournent vers le système éducatif russe, gratuit
Quant aux ressortissants français qui choisissent de rester, ils optent pour des contrats locaux rémunérés en roubles. Un choix qui les expose aux fluctuations des taux de change. Or les établissements français en Russie, rattachés aux services consulaires, dont la mission demeure la protection de la communauté française, continuent à facturer leurs services en euros.
Ainsi, l’une des conséquences concrètes est de rendre inaccessibles des études au lycée français de Moscou pour nombre de familles rétribuées en roubles.
«On voudrait éviter qu’il y ait des Français qui sortent leurs enfants du système scolaire français, parce qu’après, c’est très dur de les faire revenir», insiste Olivier Burlotte.
À 700 kilomètres au nord de la capitale, l’école française André-Malraux, annexe du lycée français de Moscou, n’a pas eu la même chance. Face à la chute du nombre d’expatriés, «même s’il y avait des Russes qui comblaient la différence» via leurs frais plus élevés que ceux des Français, l’établissement «a été sorti du réseau, c’est une école privée», regrette notre intervenant. Mais les tensions diplomatiques peuvent peser sur un établissement scolaire de manière plus directe.
«Le contexte malheureux de politique de sanctions porte ses fruits: c’est-à-dire qu’il y a de moins en moins de coopération. On a des projets indispensables pour la communauté qui sont bloqués, alors qu’ils ont été financés par des familles, des particuliers…»
Olivier Burlotte fait ici référence au projet d’extension du lycée français «bloqué depuis plusieurs années» suite aux «discordes diplomatiques» entre Paris et Moscou concernant le «statut de certains biens immobiliers russes en France». Une allusion à peine voilée à l’affaire Ioukos.
La France avait alors gelé des avoirs et entrepris de saisir des biens immobiliers russes sur son territoire. La Russie avait alors tapé du poing sur la table et menacé la France de ripostes. Cependant, ceci n’expliquerait pas entièrement les blocages les plus récents, estime le candidat, qui évoque les garanties offertes à la Russie via la loi Sapin II: «on ne sait pas ce qu’il y a, les diplomates ne nous disent même pas la raison du blocage.»
Expatriés en Russie: des citoyens français de seconde zone?
«Pour débloquer ce projet, il faut que le Quai d’Orsay et le MID [ministère des Affaires étrangères russe, ndlr] soient capables de dépasser leurs querelles», conclut notre intervenant. Celui-ci espère que les chefs d’État parviendront à une entente. Mais le report aux calendes grecques du rapatriement de la dépouille du général napoléonien Charles-Étienne Gudin, sur fond de regain de bisbilles autour du dossier ukrainien et de l’affaire Navalny n’est clairement pas un bon signal aux yeux d’Olivier Burlotte: «Ici, on est abandonné de tout le monde, y compris par notre députée bloquée en France.»
L’épidémie de Covid accentue ce sentiment d’isolement. L’ambassade et le consulat ont refusé d’accueillir du public à cause des mesures sanitaires. En outre, des familles «sont séparées depuis le début de la pandémie» à cause de la fermeture des frontières, déplore notre intervenant. Une situation qu’il a d’autant plus de mal à comprendre que les ressortissants français ont été laissés libres d’aller et venir avec d’autres pays présentant des risques de contagion bien plus élevés, comme l’Angleterre, l’Inde, le Brésil…
«Les Français d’ici, qui vivent dans un pays souverain, voient toutes les limites de notre positionnement dans l’Union européenne. Ils ont par exemple très mal vécu qu’on leur interdise de rentrer en France. C’était inacceptable», insiste Olivier Burlotte.
«Des tensions, y compris au niveau sanitaire»
Ce vaccin, efficace à 91,6% selon la revue scientifique The Lancet, approuvé pour le moment par 66 pays, pourrait n’être homologué que fin juin par l’EMA. Cette situation trahirait là encore la prépondérance de l’idéologie dans les décisions de l’exécutif, selon notre intervenant, qui regrette «des tensions, y compris au niveau sanitaire». Il espère que les Français de l’étranger enverront un «message» à leurs dirigeants via le scrutin des consulaires.
«On n’est pas naïfs, on sait bien que ce ne sont pas les conseillers consulaires qui vont faire changer la politique française en matière de souveraineté. Mais, s’il y a un élu ou plus sur cette ligne, cela montrera bien que c’est le message que les Français d’ici veulent faire passer.»
Le 1,6 million de Français inscrits sur les listes électorales consulaires sera appelé aux urnes le 30 mai pour élire leurs 463 conseillers. Ces derniers compteront parmi les grands électeurs lors des sénatoriales. Une nouveauté cette année: le recours au vote électronique dès ce 21 et jusqu’au 26 mai.