«J’ai vu que certaines personnes de moins de 55 ans ont pu se faire vacciner en fin de journée, donc je tente ma chance», confie une trentenaire dans la file d’attente d’un centre de vaccination du 15e arrondissement.
Un phénomène qui prend de l’ampleur également sur les réseaux sociaux. Sous le hashtag #lesjeunesveulentlevaccin, des internautes pointent du doigt des «boomers réfractaires» dont ils prendraient bien la place. D’une part, cette ardeur pour les vaccins est une bonne nouvelle au vu de la défiance que ceux-ci suscitaient il y a encore quelques mois. D’autre part, il s’agirait d’une nouvelle fissure entre deux générations, l’une très méfiante envers les vaccins et l’autre qui n’attend qu’une seule chose: le retour rapide à la vie normale.
L’appel a été entendu parmi les politiques. Anne Hidalgo, maire de Paris, juge ces créneaux libres scandaleux sur FranceInfo et souhaite «débrider la question de l’âge».
Puisque le vaccin est affiché comme l’unique solution à la sortie de crise, nombreux sont les «jeunes» qui le réclament. Mais le gouvernement ne semble pas prêt à changer sa stratégie. Actuellement, seules les personnes de plus de 55 ans, de 50 ans présentant des comorbidités et celles exerçant un métier à risque sont éligibles aux vaccins.
«La Haute autorité de santé a eu raison de cibler les personnes les plus à risque. On est à plus 100.000 morts, dont la majeure partie sont ces personnes-là, donc si on veut les protéger, il faut les vacciner en priorité. Après, c’est la vision d’une protection individuelle», souligne Bernard Bégaud, professeur de pharmacologie à l’université de Bordeaux.
«Bien sûr qu’il faut élargir à toute la population, mais dire cela quand on n’a pas les doses et que l’on sait qu’on ne les a pas, c’est de la mauvaise foi», affirme le Dr Jean-Paul Hamon, médecin généraliste et président d’honneur de la Fédération des médecins de France.
Si ce dernier soulève le manque de vaccins, certains médecins sont quant à eux contraints de jeter des doses d’AstraZeneca périmées, à l’image du Dr Vogt qui a voulu le dénoncer dans une vidéo devenue virale:
L’AstraZenaca souffre aujourd’hui d’une terrible réputation après l’identification de douze cas de thromboses à la suite de son injection qui ont mené au décès de quatre personnes en France: un étudiant en médecine de 24 ans, un paysagiste de 42 ans, une assistante sociale de 38 ans et un homme de 63 ans.
AstraZeneca, le mal-aimé
Depuis le mois d’avril, la Haute autorité de santé recommande donc l’injection d’AstraZeneca seulement aux plus de 55 ans. Mais la polémique et sa médiatisation auront eu raison de la réputation du vaccin qui est boudé par cette partie de la population. Une défiance justifiée par le principe de précaution chez les jeunes, mais injustifiée chez les personnes âgées, selon Bernard Bégaud:
«Chez les plus de 65 ans, on compte huit thromboses qui seraient induites, pour plus de 4.000 morts Covid évités. Et si vous montez chez les plus de 75 ans, alors la balance bénéfice/risque explose. Donc l’AstraZeneca reste une excellente alternative chez les populations âgées et le mettre à la poubelle, c’est un crime parce qu’on a besoin de doses.»
«Ce qui me paraît ahurissant et presque impardonnable, c’est que l’on pouvait préparer des messages clairs afin de mieux communiquer lorsqu’une telle polémique arrive. Dorénavant, la confiance a baissé envers AstraZeneca alors que le risque de thrombose est quasi nul chez les personnes âgées. Mais ça, c’est un problème politique, qu’il fallait anticiper», fustige Bernard Bégaud.
À ce jour en France, plus de 14 millions de personnes ont reçu une dose et près de 6 millions sont totalement vaccinées. «Ça fait vraiment très peu, à ce rythme, pour couvrir 60 millions d’individus, il faudrait quasiment l’année», prévient l’universitaire. Selon les prévisions du site CovidTracker, au rythme actuel, l’objectif de vacciner l’ensemble de la population majeure sera atteint en janvier 2022.
Alors qu’Emmanuel Macron doit annoncer le plan de déconfinement ce 30 avril, des voix s’inquiètent quant à ses conséquences du fait que seulement 9,13% de la population française soit, à ce jour, totalement vaccinée.