Commentant la nouvelle résolution sur la Russie du Parlement européen qui insiste sur la mise à l’arrêt de la construction du gazoduc Nord Stream 2, le politologue allemand Alexander Rahr, interrogé par Sputnik, évoque «le théâtre de l'absurde». D’après lui, une telle mesure, à l’ère des difficultés économiques liées à la pandémie, est «déconnectée» de la réalité.
«Le Parlement européen a simplement signé son manque de pragmatisme et sa déconnexion de la réalité. C’est un véritable théâtre de l'absurde», affirme-t-il.
«L'Europe se retrouve actuellement face à la tâche colossale de sauver son économie des conséquences de la pandémie», explique-t-il en soulignant que le continent européen «n'a jusqu’ici pas été confronté à de tels défis, du moins pas depuis la fin de la dernière Guerre mondiale».
Selon M.Rahr, la lutte contre les effets économiques de la pandémie «nécessite une coopération avec la Russie, avec la Chine, et non une confrontation et un démantèlement de la mondialisation».
La résolution des députés européens
Le Parlement européen a adopté ce 29 avril une résolution demandant «instamment que l’Union réduise sa dépendance à l’égard de l’énergie russe» et invitant dès lors instamment les institutions de l’Union et tous les États membres à stopper la réalisation du gazoduc Nord Stream 2». Le document, dont l’applicabilité reste limitée, exige également l’arrêt de la construction de centrales nucléaires «controversées» par la société russe Rosatom et agite d’autres sanctions, comme, par exemple, la déconnexion de la Russie du système bancaire international SWIFT, en cas d’«invasion de l’Ukraine» par Moscou.
S’agissant des relations d’affaire avec les pays tiers, même la Commission européenne qui pourtant représente le pouvoir exécutif dans l’UE, ne peut pas les suspendre, affirme le politologue.
Nord Stream 2 au cœur de la polémique
Le gazoduc, censé relier le littoral russe à l’Allemagne par le fond de la mer Baltique, n’est pas du goût de tout le monde, le projet étant sévèrement critiqué par les États-Unis, l’Ukraine et plusieurs pays européens. Au sujet du gazoduc russe, l’UE n’arrive pas à parler d’une seule voix, la ligne de fracture étant visible même dans le couple franco-allemand. Ainsi, début avril, Clément Beaune, secrétaire d’État chargé des Affaires européennes, interviewé par BFM TV, a déclaré que la France n’était pas sur la même longueur d’onde que Berlin à ce sujet.
Alors que certains pays de l’UE se prononcent pour la mise à l’arrêt de ce projet, la position de Berlin reste intransigeante depuis le début: Nord Stream 2 est un projet économique et pas géopolitique. Déterminée à sortir d’abord du nucléaire, puis du charbon, l’Allemagne opte pour le gaz. Qui plus est, faire cesser le projet dans lequel des millions d’euros ont déjà été investis ne semble pas raisonnable.
«Le Nord Stream 2 existe, le projet continue de se développer […]. L’Allemagne reste le leader de l’UE en ce qui concerne la coopération avec la Russie, entretient des liens, des relations commerciales, aujourd’hui beaucoup de choses reposent sur cela», explique M.Rahr.
La construction compliquée
Aujourd’hui, la pose de ce gazoduc de 1.200 kilomètres, qui a débuté en 2018, touche à sa fin. La Maison-Blanche a imposé des sanctions contre le projet en décembre 2019, suite à quoi l’entreprise suisse Allseas, responsable de la pose de deux conduites du gazoduc, a été contrainte d'arrêter la construction. Celle-ci n’a repris qu’un an plus tard, en décembre 2020. Si les États-Unis sont tant intéressés par la suspension du Nord Stream 2, c’est parce que Washington essaie de promouvoir en Europe son propre produit, le gaz liquéfié. Sauf que, contrairement au gaz russe, l’américain est plus cher, et donc moins attractif économiquement pour les Européens.