Ex-ministre tchadien en exil: la présidentielle 2021 présente «un risque de tueries et de massacres» – exclusif

Un mois avant la présidentielle au Tchad, plusieurs candidats se sont retirés de la course en dénonçant «un climat d’insécurité». D’autres appellent à «barrer la route à Déby». Dans un entretien exclusif à Sputnik, Mahamat Abdoulaye, un ex-ministre tchadien qui se trouve en exil au Sénégal, livre son analyse de la situation actuelle, inquiétante.
Sputnik

La situation au Tchad devient incontrôlable à l’approche de l’élection présidentielle qui doit se tenir le 11 avril prochain. Après l’assaut du gouvernement mené contre l’opposant Yaya Diallo fin février, dans lequel ce dernier déclare avoir perdu sa mère et son fils, le siège du parti d’un autre opposant, Succès Masta, a été encerclé par la police. Conséquence: plusieurs candidats ont renoncé et dénoncent «un climat d’insécurité».

Saleh Kebzabo, l’opposant principal d’Idriss Déby depuis des années, s’est également retiré de la course le lendemain de la sanglante tentative d’arrestation de Yaya Diallo. Il continue de s’exprimer sur son compte Twitter et appelle au «boycott actif» de l’élection.

​L’avenir immédiat «paraît sombre»

Le Président Idriss Déby est au pouvoir depuis 30 ans. Il se porte candidat à l’élection de 2021 qui pourrait l’emmener vers son sixième mandat. Devant le nombre de mécontents, le scrutin risque d’être perturbé, estime Mahamat Abdoulaye, ex-ministre tchadien (Justice, Commerce, Aménagement du territoire, Décentralisation, Élevage, Postes et télécommunications entre autres…). Celui qui fut candidat à la présidentielle au Tchad en 1996 se trouve aujourd’hui, depuis 2012, en exil politique au Sénégal.

«L’avenir immédiat du Tchad nous paraît sombre pour plusieurs raisons: le peuple est mécontent. Il vit depuis des décennies dans la misère, l’injustice, la mauvaise gouvernance, l’impunité des dirigeants. C’est un peuple sans grande culture politique et démocratique, analphabète en majorité, partagé dans le sens nord-sud entre communautés par la faute du régime qui divise pour mieux régner.»

Une partie des citoyens va descendre dans la rue pour manifester, avance Mahamat Abdoulaye, mais d’après lui, l’intervention des forces de l’ordre peut dégénérer.

Ex-ministre tchadien en exil: la présidentielle 2021 présente «un risque de tueries et de massacres» – exclusif

 Un tel degré de tension laisse présumer des conflits préélectoraux, électoraux et postélectoraux, estime-t-il.

«Il y a un risque de tueries et de massacres. Mais le régime fera du forcing pour passer en force en dépit de tout.»

Le G5 Sahel et l’Union africaine

Si la contestation descendait dans les rues de la capitale, la population se trouverait en grand danger. Et Mahamat Abdoulaye est persuadé que l’ingérence des organisations internationales comme le G5 Sahel ou l’Union africaine est «impossible».

«D’abord, elles n’interviendront pas pour ne pas gêner le régime. Et si elles agissent, ce sera pour conforter le pouvoir en place, ce ne sont que des clubs de chefs d’État et leurs instruments. Ce n’est pas un hasard si Idriss Déby est à la tête du G5 Sahel et Moussa Faki à la tête de l’Union africaine.»

Si Idriss Déby reste au pouvoir

Les commerçants du Tchad: «Nous avons perdu entre 3 et 4 milliards de francs CFA» - photos
Depuis plusieurs semaines, le gouvernement interdit systématiquement et réprime durement toute manifestation de l’opposition et de la société civile qui réclament «l’alternance et plus de justice sociale». L’ex-ministre Abdoulaye, qui connaît depuis de longues années le pouvoir de l’intérieur, estime que l’alternance est la seule échappatoire pour le Tchad.

«Depuis plus de 30 ans que le Président Déby est au pouvoir, le pays n’a fait que reculer sur tous les plans en dépit des revenus du pétrole et des mouvements armés qui menacent de toutes parts. L’IDH (indice de développement humain) du Tchad le classe 187e sur 189 pays en 2021, avec un PIB/habitant et par jour de 1,75 dollar en 2021 et un taux d’alphabétisation de 22,3%.»
Discuter