La situation au Tchad devient incontrôlable à l’approche de l’élection présidentielle qui doit se tenir le 11 avril prochain. Après l’assaut du gouvernement mené contre l’opposant Yaya Diallo fin février, dans lequel ce dernier déclare avoir perdu sa mère et son fils, le siège du parti d’un autre opposant, Succès Masta, a été encerclé par la police. Conséquence: plusieurs candidats ont renoncé et dénoncent «un climat d’insécurité».
Saleh Kebzabo, l’opposant principal d’Idriss Déby depuis des années, s’est également retiré de la course le lendemain de la sanglante tentative d’arrestation de Yaya Diallo. Il continue de s’exprimer sur son compte Twitter et appelle au «boycott actif» de l’élection.
Ceux qui pense que je vais boycotter les élections en restant sous la véranda chez moi jusqu’au 11 avril se trompent.
— Saleh Kebzabo (@saleh_kebzabo) March 6, 2021
Le boycott sera actif. Pas seulement pour empêcher la tenue des élections, mais pour barrer la route à Déby d’être président du Tchad.
Le peuple en a marre.
L’avenir immédiat «paraît sombre»
Le Président Idriss Déby est au pouvoir depuis 30 ans. Il se porte candidat à l’élection de 2021 qui pourrait l’emmener vers son sixième mandat. Devant le nombre de mécontents, le scrutin risque d’être perturbé, estime Mahamat Abdoulaye, ex-ministre tchadien (Justice, Commerce, Aménagement du territoire, Décentralisation, Élevage, Postes et télécommunications entre autres…). Celui qui fut candidat à la présidentielle au Tchad en 1996 se trouve aujourd’hui, depuis 2012, en exil politique au Sénégal.
«L’avenir immédiat du Tchad nous paraît sombre pour plusieurs raisons: le peuple est mécontent. Il vit depuis des décennies dans la misère, l’injustice, la mauvaise gouvernance, l’impunité des dirigeants. C’est un peuple sans grande culture politique et démocratique, analphabète en majorité, partagé dans le sens nord-sud entre communautés par la faute du régime qui divise pour mieux régner.»
Une partie des citoyens va descendre dans la rue pour manifester, avance Mahamat Abdoulaye, mais d’après lui, l’intervention des forces de l’ordre peut dégénérer.
Un tel degré de tension laisse présumer des conflits préélectoraux, électoraux et postélectoraux, estime-t-il.
«Il y a un risque de tueries et de massacres. Mais le régime fera du forcing pour passer en force en dépit de tout.»
Le G5 Sahel et l’Union africaine
Si la contestation descendait dans les rues de la capitale, la population se trouverait en grand danger. Et Mahamat Abdoulaye est persuadé que l’ingérence des organisations internationales comme le G5 Sahel ou l’Union africaine est «impossible».
«D’abord, elles n’interviendront pas pour ne pas gêner le régime. Et si elles agissent, ce sera pour conforter le pouvoir en place, ce ne sont que des clubs de chefs d’État et leurs instruments. Ce n’est pas un hasard si Idriss Déby est à la tête du G5 Sahel et Moussa Faki à la tête de l’Union africaine.»
Si Idriss Déby reste au pouvoir
«Depuis plus de 30 ans que le Président Déby est au pouvoir, le pays n’a fait que reculer sur tous les plans en dépit des revenus du pétrole et des mouvements armés qui menacent de toutes parts. L’IDH (indice de développement humain) du Tchad le classe 187e sur 189 pays en 2021, avec un PIB/habitant et par jour de 1,75 dollar en 2021 et un taux d’alphabétisation de 22,3%.»