Vincent Bolloré, le milliardaire et puissant homme d’affaires français, a reconnu vendredi 26 février 2021 devant la justice française que son groupe avait décroché la gestion du port de Lomé en contrepartie d'activités de conseil politique de Havas Communication, une filiale du groupe. L'enquête dont il faisait l'objet, depuis plusieurs années, mentionnait également une obtention irrégulière des droits de gestion du port de Conakry en Guinée.
Les deux ports en question sont en effet gérés depuis dix ans par Bolloré Africa Logistics, anciennement appelée SDV Logistic International. Au Togo, la gestion lui a été attribuée peu avant la réélection en mars 2010 du Président Faure Gnassingbé, pour un deuxième mandat, alors qu’en Guinée, l’attribution de la gestion lui a été faite en mars 2011, quelques mois après l’accession à la magistrature suprême du Président Alpha Condé.
Du côté de la Guinée, jusqu’à l’arrivée du Président Alpha Condé au pouvoir, le port de Conakry avait été géré par le consortium Getma International, une filiale de NCT Necotrans, qui en 2008 a devancé, au cours d'un appel d'offres, Bolloré Africa Logistics. Mais quelques semaines après avoir reçu Vincent Bolloré le 6 mars 2011, avec qui il a effectué une visite médiatisée au Port autonome de Conakry, Alpha Condé a pris un décret, comme le précise L’Express, résiliant le contrat de Getma, sous prétexte que la société n’avait avancé que le dixième des 30 millions d'euros d'investissements promis. Il a ordonné la réquisition des bureaux de Geta et 48 heures plus tard, la nouvelle gérance du port de Conakry a été confiée au groupe Bolloré.
Du côté de Lomé: «no comment»
L'affaire interpelle directement le Président Faure Gnassingbé du Togo et son gouvernement, qui ont décidé, pour l'instant, de n’y apporter aucun commentaire.
Contacté par Sputnik, le ministre de la Communication et des Médias et porte-parole du gouvernement, Akodah Ayewouadan, n’y a rien trouvé à dire, soutenant que «la réaction officielle du gouvernement togolais est de ne pas commenter une procédure judiciaire qui est en cours dans un pays étranger».
«Cette question, même si elle est dite liée à la souveraineté nationale du Togo, fait l’objet d’une discussion judiciaire dans un autre pays. Et pour le moment, le gouvernement togolais n’est pas directement interpellé. Donc nous ne disons rien pour l’instant par respect des institutions des autres pays puisque nous demandons de notre côté la réciprocité», a déclaré Akodah Ayewouadan.
L’opposition togolaise s’en mêle
Dans l’opposition togolaise par contre, le silence n’est pas de mise. Certains pensent que les présumés «corrompus», côté togolais, doivent aussi commencer par être inquiétés dans cette affaire.
«Quand il y a des corrupteurs, c’est qu’il y a des corrompus. Et parfois même les corrompus sont plus dangereux que les corrupteurs», a réagi Nicolas Lawson, président du parti du Renouveau et de la Rédemption (PRR), parti d’opposition togolaise qui, depuis l’attribution du port de Lomé à Bolloré, n’a cessé de dénoncer selon ses propres mots, «une corruption et un pillage des ressources internes du pays».
«Ce sont des centaines de milliards de FCFA (1 milliard CFA =1.527.000 euros) qui partent régulièrement par cette corruption, et donc des milliards qui manquent à l’économie togolaise. Si j’étais à la place de Faure Gnassingbé, je commencerais personnellement par traduire en justice mes concitoyens togolais associés à cette corruption d’État», s'insurge Nicolas Lawson, dans une déclaration à Sputnik.
L’opposant togolais souhaite même que la justice togolaise se saisisse rapidement de cette affaire pour déclencher une procédure au plan national.
«Cette situation est une atteinte à l’économie togolaise et à la souveraineté de notre État. En conséquence, le parti politique "Les Démocrates" exige expressément le départ de Vincent Bolloré du Togo et la démission immédiate de Faure Gnassingbé», ont réagi en outre Les Démocrates, un autre parti de l’opposition togolaise qui a rendu public un court communiqué.
D’autres partis contactés par Sputnik ont affirmé qu’ils sont en concertation pour savoir quelle position adopter.