25 organisations de la société civile togolaise et dix partis politiques regroupés au sein d’un Comité pour la libération de tous les prisonniers politiques du Togo (créé en 2020) ont adressé ce 16 février un mémorandum au Président Faure Gnassingbé et au gouvernement. Ils leur demandent de relaxer, au nom de la paix et de la réconciliation nationale, 97 Togolais qualifiés de «détenus politiques».
Le coordonnateur du comité David Dosseh a confié à Sputnik ses revendications:
«Nous attendons du chef de l’État qu’il examine la question de ces prisonniers politiques avec toute l’attention requise, pour que ces personnes qui sont, de notre point de vue, en détention arbitraire soient libérées et qu’elles reprennent une vie normale.»
Ce mémorandum est adressé directement au chef de l’État parce que, précise David Dosseh, il y a trop de dysfonctionnements dans le système judiciaire togolais pour laisser espérer la libération de ces prisonniers par cette voie.
«Si la justice togolaise était une justice digne de ce nom, toutes les personnes actuellement en détention pour avoir participé à des manifestations politiques seraient déjà libérées. Ce qui n’a jamais été le cas. Donc seul le Président Faure Gnassingbé peut les faire relâcher. Nous en appelons à sa magnanimité pour qu’il trouve la forme qui convient et qu’il fasse libérer ces gens. Il y a eu suffisamment de douleurs, suffisamment de larmes et de pertes en vies humaines. Il faut que cela cesse», a-t-il ajouté.
Le pouvoir botte en touche
Le sujet des détenus politiques est très délicat depuis quelques années dans les relations entre le pouvoir et l’opposition. Et la question qui revient toujours, c’est justement de savoir s’il en existe réellement dans les prisons togolaises.
Mme Kouigan Yawa est la secrétaire générale adjointe chargée de la communication du parti Unir, la formation au pouvoir dont Faure Gnassingbé est également le président. Interrogée pour avoir le point de vue du parti sur le mémorandum et l’appel du Comité pour la libération de tous les prisonniers politiques adressé chef de l’État, elle a esquissé une fin de non-recevoir.
«Je crois que l’appel n’est pas adressé à notre parti. Je pense aussi qu’il est pertinent de relever que cet appel ne sera étudiable ou ne donnera lieu à réflexion que si la catégorie de détenus à laquelle il se réfère [les prisonniers politiques, ndlr] existe», a-t-elle indiqué au téléphone à Sputnik.
Contacté par Sputnik, le gouvernement n’a pas non plus souhaité s’exprimer sur le sujet.
«Pas de prisonniers politiques au Togo»
Interrogé néanmoins en décembre 2020 sur la même question par Republicoftogo, un média local en ligne, Christian Trimoua, le ministre des Droits de l’homme chargé des relations avec les institutions de la République et porte-parole du gouvernement, a clairement affirmé qu’il n’y avait pas de prisonniers politiques au Togo.
«Le Code pénal n’a pas d’orientation politique. Et je dois ajouter qu’il n’y a aucun détenu politique au Togo», a-t-il déclaré.
Nathaniel Olympio, président du Parti des Togolais, une petite formation de l’opposition, qui a également lancé en janvier sur les réseaux sociaux une campagne pour la libération des détenus politiques, s’insurge.
«Quand on arrête des gens dans le cadre de leurs activités politiques, ce sont des prisonniers politiques. C’est aussi simple que cela», déclare-t-il à Sputnik.
54 longues années de dictature pèsent sur le peuple togolais. Les années de plomb sont de retour. Les prisonniers politiques meurent en prison.
— Nathaniel Olympio (@nathanielolymp) January 14, 2021
C'est une indignation en 2021.#FaureGnassingbeFacts#TogoLiberezLesPrisonniersPolitiques pic.twitter.com/jJNNjcMEBT
Cette campagne, qui consistait à se faire prendre en photo avec un écriteau indiquant le nom d’un détenu et en appelant à sa libération, n’avait pas connu de réel succès. Mais l’objectif affiché était le même que celui du présent mémorandum, à savoir «obtenir de Faure Gnassingbé un non-lieu pour tous les détenus arrêtés dans le cadre des manifestations politiques au Togo depuis 2017».
Les mobilisations de 2017 et 2018 au Togo avaient pris naissance pour exiger des réformes institutionnelles et notamment la limitation à deux le nombre de mandats présidentiels, à l’image de ce qui était inscrit dans la Constitution de 1992. Au pouvoir depuis 2005 quand il a succédé à son père, l’actuel chef de l’État a entamé en 2020 son quatrième mandat consécutif.