À Montréal, les violences contre les policiers font boule de neige

Les policiers de Montréal sont de plus en plus souvent la cible d’agressions physiques. Une situation préoccupante alors que le nombre de fusillades augmente également. Selon le criminologue Jean-Claude Bernheim, la détérioration des relations entre les policiers et les gens issus de l’immigration doit être prise très au sérieux. Entrevue.
Sputnik

Alors que les fusillades étaient déjà en augmentation dans la métropole québécoise, les policiers de la grande région de Montréal subissent des agressions physiques toujours plus nombreuses.

Un «niveau de tension à considérer»

C’est du moins ce que dénonce la Fraternité des policiers et policières de Montréal, le syndicat des agents de la paix de la métropole.

«Nous sommes conscients que vous vivez sur le terrain une augmentation de la confrontation physique. Nous en sommes d’ailleurs à quatre épisodes de tirs d'armes à feu contre des policiers et policières depuis septembre», écrit le syndicat. «C'est dans ce contexte que nous vous demandons d'être encore plus prudents et prudentes que d'habitude.»

Selon les informations du Journal de Montréal, au cours des trois dernières semaines, au moins cinq policiers de la grande région de Montréal ont été blessés par des hors-la-loi.

«Sentiment d’impunité», «dénigrement de la police»: le nombre de fusillades augmente à Montréal

Criminologue et auteur de plusieurs ouvrages sur des affaires criminelles, Jean-Claude Bernheim reconnaît en entrevue qu’il y a un «niveau de tension à considérer»:

«Il est trop tôt pour dire si la situation va empirer. Chose certaine, on peut voir que c’est significatif. Il y a des policiers qui provoquent et des gens qui provoquent les policiers. […] Le mélange de profilage racial et de précarité entraîne ces conflits entre policiers et immigrés. C’est une roue qui tourne et qui s’alimente. C’est comme une boule de neige qui dévale une montagne», souligne-t-il.

Ainsi, Jean-Claude Bernheim attribue surtout la recrudescence des attaques envers les agents à une détérioration des «conditions socio-économiques» dans lesquelles vivent les habitants des quartiers concernés, surtout situés dans l’est et le nord de la ville.

Profilage racial à Montréal: mythe ou réalité?

Chargé de cours en criminologie dans diverses universités canadiennes, notre interlocuteur estime que les mesures de confinement pourraient avoir détérioré la qualité de vie des personnes immigrées concentrées dans ces zones. Cette dernière hypothèse est aussi celle que retient le maire de Montréal-Nord, l’un des quartiers les plus touchés par le phénomène.

«Les policiers ont toujours eu des relations difficiles avec les immigrés à Montréal. Autrefois, ces derniers étaient blancs et venaient d’Europe. Maintenant, ils viennent d’autres pays et sont des minorités visibles. C’est la différence. Pour des raisons essentiellement économiques, les immigrés ont toujours été au centre de conflits à Montréal, mais on ne veut pas le dire», déplore le criminologue.

Le 28 janvier dernier, l’arrestation puis la détention d’un universitaire guinéen soupçonné d’avoir tiré sur un policier a créé une controverse monstre au Québec. Finalement innocenté, le dénommé Mamadi III Fara Camara a été relâché après six jours de détention. Le traitement jugé injuste réservé au doctorant a suscité l’indignation de plusieurs personnalités comme le maire de Montréal, Valérie Plante. Geneviève Guilbault, ministre de la Sécurité publique du Québec, a annoncé la tenue d’une enquête indépendante sur cette affaire.

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Selon Jean-Claude Bernheim, la mésaventure du jeune Guinéen ne résulte toutefois pas d’un problème de profilage racial, contrairement à ce que plusieurs observateurs ont affirmé, parmi lesquels l’avocat du principal intéressé.

«L’affaire Camara est un épiphénomène. C’est un scénario unique au monde. C’est un concours de circonstances qui a mené à cette erreur sur la personne. Si Camara avait été blanc, il aurait aussi été arrêté. En revanche, le fait qu’il soit noir a peut-être accentué les convictions des policiers dans ce contexte d’agressions récurrentes», précise le criminologue.

Récemment interrogée par Sputnik, la criminologue Maria Mourani observait, pour sa part, qu’un «climat anti-policiers» sévissait à Montréal et qu’un meilleur contrôle des armes à feu ne suffirait pas à enrayer la violence. Si Jean-Claude Bernheim préfère mettre l’accent sur les conditions socio-économiques pour expliquer le phénomène, il admet qu’une législation plus sévère en matière de contrôle des armes serait insuffisante:

«Le maire de Montréal propose un meilleur contrôle des armes à feu et Justin Trudeau aussi, même si le Premier ministre sait que ça ne changera rien. Le Parlement canadien ne fait rien pour contrer le phénomène du crime. Depuis des années, Ottawa se contente d’accentuer la répression pour des raisons électorales, mais sans aucun résultat», conclut Jean-Claude Bernheim.
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