La ville était pourtant réputée pour être sûre et tranquille. Désormais, de plus en plus de coups de feu mortels sont tirés à Montréal par des gens liés au crime organisé.
Selon les chiffres du Service de police de la Ville de Montréal, les crimes contre les personnes commis avec une arme à feu ont augmenté de 10% entre 2019 et 2020. Un pourcentage qui peut paraître modeste, mais les autorités craignent que la pandémie n’ait pour effet de multiplier ce genre de crimes et observent, entre autres signes préoccupants, une hausse des fusillades perpétrées en plein jour.
«Il doit y avoir un contrôle des armes à feu. […] C’est un fléau en ce moment. Ça n’a pas de sens que ce soit aux villes de légiférer l’une à la suite de l’autre. Bien sûr, les armes se promènent, à Montréal et ailleurs au Québec», a réagi Valérie Plante, maire de Montréal, qui a aussi présenté ses condoléances à la famille de la victime.
Selon le maire de l’un des arrondissements les plus touchés, la pandémie de Covid-19 est l’une des principales causes de la recrudescence la violence, après plusieurs années d’accalmie à Montréal.
Confinement et «climat anti-policiers»
Christine Black, maire de l’arrondissement de Montréal-Nord, estime que son quartier est le centre de nouveaux conflits entre gangs de rue, causés entre autres par la rude situation socioéconomique due au confinement. La criminologue Maria Mourani juge quant à elle cette hypothèse intéressante, mais souligne qu’encore trop peu d’informations sur le sujet sont disponibles. L’ex-députée fédérale pointe surtout le «climat anti-policiers»:
«À Montréal, normalement, quand on a des fusillades, c’est qu’il y a un épiphénomène», juge-t-elle au micro de Sputnik: «C’est qu’il y a quelque chose qui se passe, comme un important règlement de comptes. […] Maintenant, le nouvel élément me paraît surtout être le sentiment d’impunité qui a augmenté. C’est un sentiment de puissance et d’impunité que j’associe directement au dénigrement de la police», souligne-t-elle à notre micro.
Docteur en criminologie, Maria Mourani estime que la «variable de la lutte des territoires et de la circulation des armes n’est pas nouvelle». Comme le maire de Montréal, l’ancienne élue prône un meilleur contrôle des armes à feu, mais considère qu’une législation plus sévère en la matière ne serait pas suffisante pour enrayer le phénomène. Elle en appelle à prendre en considération les «facteurs idéologiques»:
«Depuis l’année dernière, on peut dire que la police à Montréal est pour le moins malmenée. Il y a eu des manifestations contre la police. Il y a eu toutes sortes d’incidents durant lesquels des postes de police et voitures de patrouille ont été saccagés. […] Il y a eu un grand désaveu de la police dans l’air depuis 2019. Cette réalité donne un incroyable sentiment de toute-puissance au milieu criminel».
Un rapport déposé en juin 2019 à la Ville de Montréal conclut que la vision négative dans la police des personnes noires et autochtones contribue à nourrir un climat de méfiance mutuel. À l’instar de plusieurs rapports publiés ces dernières années au Canada, celui-ci pointe également les liens supposés entre les «pratiques coloniales» des différents échelons de gouvernement et le racisme «systémique».
Le Premier ministre Justin Trudeau, une figure «anti-policière»?
Pourtant reconnue pour ses prises de position en faveur d’une plus grande reconnaissance de la diversité culturelle, Maria Mourani observe que le débat sur le racisme «systémique» a eu pour effet de délégitimer le travail des policiers.
«Quand Justin Trudeau a mis un genou à terre en soutien au mouvement Black Lives Matter, il a contribué à alimenter ce dénigrement de la police. Ça fait en sorte que les agents vont hésiter à intervenir sur le terrain auprès de gens qui pourraient les taxer de racisme. Ça agit sur le mental des patrouilleurs», explique l’auteur d’ouvrages importants sur le crime organisé comme Gangs de rue Inc. (Éd. de l’Homme, 2009).
L’une des solutions au problème, selon Maria Mourani? Elle suggère d’employer la «manière forte» pour éviter d’envoyer le message que «les corps policiers ont abandonné la population des quartiers touchés»:
«Il faut des interventions musclées pour montrer qu’on n’a pas peur d’intervenir et que ce ne sont pas les bandits qui font la loi», tranche-t-elle.