La chance aurait-elle enfin tourné pour Haïti, alors que le pays peine toujours à se remettre du séisme de 2010, qui a fait 200.000 morts et d’infinis dommages matériels?
Décès attribués au Covid-19: «les chiffres sont dérisoires»
Interviewé par Sputnik, Clarens Renois, ex-candidat présidentiel et chef du parti d’opposition UNIR (Union nationale pour l’intégrité et la réconciliation), observe effectivement que «l’hécatombe n’est jamais survenue» dans son pays:
«Les chiffres sont dérisoires par rapport à ceux des pays occidentaux et de la République dominicaine. Il y a très peu de victimes et de personnes infectées. C’en est même à se demander si le virus est vraiment passé par ce pays. Il n’y a pas de trace de la pandémie ni de distanciation sociale. Le port du masque est également loin d’être généralisé, même dans les transports publics», relate-t-il à notre micro.
Un scénario que personne n’anticipait au tout début de la crise, en mars 2020, alors que le Président Jovenel Moïse déclarait que les autorités avaient pris des «mesures drastiques pour contenir la propagation de la pandémie». Le Président avait entre autres annoncé la fermeture des écoles, centres de formation et universités, de même que celle de plusieurs usines, compromettant là une grande partie de l’activité économique.
Covid-19, le «mystère Haïti»?
Or, la plupart des mesures ont rapidement été levées et la population a continué à vivre de la même façon qu’avant la crise:
«C’est un tout autre monde aussi par rapport à la Floride, qui n’est pas loin d’Haïti. […] On pourrait penser que le marché touristique a favorisé une plus grande propagation en République dominicaine, mais Haïti a quand même une diaspora aux États-Unis et un peu partout, qui revient régulièrement. […] Il faudrait convoquer des scientifiques, mais notre population très jeune explique peut-être une certaine résistance au virus», poursuit le politicien.
Toutefois, le doute subsiste: les données compilées par Port-au-Prince sont-elles vraiment fiables? Le nombre de tests administrés est-il suffisant? Pour le chef du parti UNIR, même si les données n’étaient pas complètement justes et le nombre de tests inadéquat, les gens se seraient tout de même aperçus d’un taux de mortalité beaucoup plus élevé parmi leurs proches:
La crise du Covid-19 est survenue dans la perle des Antilles dans un contexte de fortes tensions entre le pouvoir en place à Port-au-Prince et les opposants au Président Jovenel Moïse. De février 2019 jusqu’au printemps 2020, des milliers de citoyens ont multiplié les manifestations pour dénoncer la corruption et l’économie en chute libre.
Opposition au Président: la crise politique n’est pas terminée pour autant
Le Président Jovenel Moïse est notamment toujours accusé d’avoir détourné des fonds du Petrocaribe, un prêt accordé à Haïti par le Venezuela. Une enquête de la Cour supérieure des comptes a conclu que le Président avait participé à cette fraude.
En tout cas, Clarens Renois estime que le Président ne pourra pas être jugé par la population pour sa gestion de la pandémie, compte tenu de son impact dérisoire et aussi parce que la pandémie n’a, dans l’absolu, guère préoccupé les Haïtiens. Une question de culture, selon notre interlocuteur:
«Les Haïtiens sont habitués à la mort. Ce n’est pas une préoccupation quotidienne. Par contre, les gens n’étaient plus habitués à cette réalité dans les pays occidentaux, où le fait d’avoir un virus incontrôlable a beaucoup plus choqué et fait paniquer. En Haïti, les gens meurent de n’importe quoi: de malnutrition, de manque de soins, etc. Il n’y a pas cette panique devant la mort», conclut Clarens Renois.