On prend les mêmes et on recommence. Joe Biden n’a pas souhaité injecter de sang neuf dans l’équipe qu’il place à la tête de la politique étrangère américaine, bien au contraire.
Le candidat a ainsi nommé Antony Blinken au poste de secrétaire d’État. Le diplomate a été le numéro deux du Département d’État sous la présidence de Barack Obama, alors que M. Biden était Vice-Président. John Kerry, ancien chef de la diplomatie sous Obama, a quant à lui été nommé représentant spécial pour le climat. Jake Sullivan, l’ancien chef de cabinet d’Hillary Clinton lorsque celle-ci était secrétaire d’État, a été nommé conseiller à la sécurité nationale. Et Linda Thomas-Greenfield, directrice générale du bureau des affaires étrangères (2012-2013) et secrétaire d’État adjointe aux affaires africaines (2013-2017), devient ambassadrice des États-Unis à l’Onu.
Affaires étrangères: du neuf avec du vieux
Des nominations en rupture totale avec la politique d’«America first» [l’Amérique d’abord, ndlr] que prônait Donald Trump.
«L’establishment de Washington est de retour à la Maison-Blanche.» Avec cette équipe, «les États-Unis vont chercher à réintégrer le concert des nations et à pratiquer à nouveau le multilatéralisme», estime au micro de Sputnik Gérald Olivier, auteur de «Sur la route de la Maison-Blanche» (Éd. Jean Picollec).
Pourtant, ce retour dans les organisations multilatérales ne concède rien à l’unilatéralisme américain, selon Gérald Olivier:
«Joe Biden part d’une perspective où les États-Unis se voient comme légitimes d’aller imposer leur vision idéologique de l’ordre international au reste du monde», juge l’expert.
Pour ce faire, il s’est entouré d’une équipe totalement en phase avec cette école de pensée géopolitique, les néoconservateurs «de gauche». Antony Blinken, qui sera donc le nouveau chef de la diplomatie et est un proche de longue date de Joe Biden, a encouragé à plusieurs reprises ce dernier à aller dans le sens des interventions militaires américaines au nom des Droits de l’Homme. Ça fut le cas en 2002, lorsqu’il a poussé le sénateur Joe Biden à voter en faveur d’une intervention militaire en Irak, mais aussi en 2011 lors de l’intervention en Libye.
Retour de l’interventionnisme?
Blinken a également regretté, quelques années plus tard, que les États-Unis ne s’impliquent pas davantage militairement dans le conflit syrien. «En Syrie, nous avons cherché à juste titre à éviter un autre scénario comme l’Irak en n’en faisant pas trop, mais nous avons fait l’erreur inverse en faisant trop peu», précisait le principal intéressé en 2019. Le New York Times le qualifie de «centriste, avec un trait d’interventionnisme». Un euphémisme pour décrire quelqu’un qui, selon ses propres mots, estime que «la force peut-être un auxiliaire nécessaire à une diplomatie efficace», entre autres «face aux Xi Jinping et Vladimir Poutine de ce monde». Les «mots seuls ne [les] dissuaderont pas», affirme-t-il.
Nous aurons donc un Président qui a soutenu l’invasion de l’Irak et un secrétaire d’État (Tony Blinken) qui a soutenu l’invasion de l’Irak. Aux États-Unis, il n’y a aucun compte à rendre pour avoir soutenu le pire désastre de politique étrangère de l’histoire moderne. Seulement des récompenses.
Sur la plupart de ces positions, l’ancien secrétaire d’État John Kerry rejoint Blinken. Celui qui a été nommé représentant spécial pour le climat a voté en faveur de la guerre en Irak, a été en faveur d’une zone d’exclusion aérienne en Libye et a copieusement poussé pour une intervention en Syrie.
L’opinion publique américaine défavorable à l’interventionnisme
Même chose du côté du nouveau conseiller à la sécurité nationale de Joe Biden, Jake Sullivan. Avant d’être l’un des principaux négociateurs de l’accord sur le nucléaire iranien, le jeune conseiller a été le bras droit d’Hillary Clinton sur les questions de politique étrangère, et cette expérience lui a valu le qualificatif de «faucon» par des médias pourtant de gauche, comme Vox.
Libye, Syrie, Ukraine: sur tous ces dossiers, Jake Sullivan a défendu une politique étrangère musclée. Les gestions des crises internationales pourraient donc d’être tout à fait différentes de celles que l’on a pu connaître ces quatre dernières années. Notamment lorsque la vision Démocrate des droits de l’Homme est en jeu.
Cette nouvelle équipe pourrait pourtant faire face à plusieurs obstacles de taille, estime Gérald Olivier:
«Joe Biden n’a plus nécessairement les moyens de ces interventions et le peuple américain ne soutient plus vraiment cette approche. Il va devoir en tenir compte dans sa politique.»
Reste à savoir si ces circonstances seront assez dissuasives pour ce nouveau clan.