Le 737 MAX devrait bientôt retrouver le ciel, aux États-Unis du moins. Le patron de l’administration américaine de l’aviation (FAA), Steve Dickson, a annoncé le 18 novembre dans une vidéo avoir signé un décret «mettant fin» à celui du 13 mars 2019, celui-là même qui clouait au sol le best-seller de Boeing depuis vingt mois.
Boeing 737 MAX, «l’avion le plus scruté de l’histoire de l’aviation»
«Les modifications de conception qui sont mises en place éliminent complètement la possibilité d’une cause similaire aux deux accidents», a assuré pour sa part le chef de la FAA, qui avait pris la tête de l’agence il y a un peu plus d’un an, en plein cœur du scandale. «Cet avion est l’avion le plus scruté de l’histoire de l’aviation», selon cet ancien pilote de ligne, responsable de la sécurité et des performances opérationnelles de Delta Airlines, qui avait personnellement pris les commandes de l’appareil fin septembre. «Je me suis engagé à piloter le 737 MAX et j’ai promis de ne pas le laisser redécoller tant que je n’aurais pas assez confiance en lui pour laisser ma propre famille voyager sur cet avion», a-t-il déclaré en relation avec cet épisode.
«Pas un jour ne passe sans que moi et mes collègues ne pensions aux victimes des vols de la Lion Air et d’Ethiopian Airlines, ainsi qu’à leurs familles», ajoutait Steve Dickson.
Il faut dire que les familles des victimes de ces deux crashs ne décolèrent pas et sont loin d’être convaincues par les démarches de l’autorité de sûreté états-unienne dans cette affaire.
«Les modifications proposées par la FAA n’inspirent pas confiance dans la sécurité du 737 MAX révisé», ont-elles écrit dans une lettre adressée fin octobre au ministère américain des Transports. «Nous pensons que la FAA est plus soucieuse de sauver l’investissement de Boeing dans le 737 MAX que de garantir la sécurité de l’avion», assènent-elles encore dans ce courrier cosigné par 2.300 personnes.
«Les modifications proposées par la FAA n’inspirent pas confiance»
«Nous n’avons jamais été guidés par le calendrier, mais plutôt par un processus de sécurité méthodologique et délibéré. Un processus qui prend automatiquement 20 mois», assure pour sa part Steve Dickson.
L’assurance affichée aujourd’hui par la FAA effacera-t-elle des esprits sa part de responsabilité? En effet, non contente de ne pas avoir effectué sa mission dans l’homologation des appareils de Boeing, laissant à l’avionneur le soin d’auto-certifier ses propres appareils, l’autorité de sûreté américaine a été la toute dernière à se prononcer pour l’immobilisation de l’appareil après la seconde catastrophe aérienne.
Comme si cela ne suffisait pas, l’agence américaine avait également mis la pression sur ses pairs afin qu’elles acceptent d’autoriser le 737 MAX à voler dans leurs espaces aériens respectifs. Ces dernières émettaient des réserves sur l’absence de formation complémentaire pour les pilotes passant du 737 à sa version MAX. Réciprocité oblige, les Européens notamment, exposaient les futurs appareils Airbus au risque de ne pas être certifiés aux États-Unis s’ils n’obtempéraient pas.
Le laxisme de la FAA et ses liens étroits avec Boeing pointés du doigt
Il faut dire que le temps pressait pour les intérêts industriels états-uniens. Comme la presse l’avait souligné au lendemain du crash d’Ethiopian Airlines, le dernier-né de la famille 737 est une réponse précipitée de Boeing, surpris par l’initiative d’Airbus de sortir en décembre 2010 un monocouloir moyen-courrier (A320 Neo).
Reste à savoir quelle suite donneront les autres régulateurs mondiaux à cette décision de la FAA. Si l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) pourrait dès la semaine prochaine donner son feu vert à la reprise des vols commerciaux du Boeing 737 MAX, le régulateur chinois du transport aérien (CAAC) a quant à lui indiqué ce vendredi n’avoir «aucun calendrier» pour avaliser la reprise des vols de cet appareil «conçu par des bouffons […] supervisés par des singes» comme le résumait en 2017, à sa façon, un salarié de Boeing.