Ils s’étaient échappés en catimini d’Israël il y a tout juste deux ans. Golan Avitan et Chiko (Moshe) Beit Adah, deux «gangsters» israéliens, avaient trouvé refuge au Maroc jusqu’à leur arrestation en 2019 pour «falsification de documents». Les deux hommes seraient finalement extradés par le royaume chérifien dans la plus grande discrétion. D’après le média israélien Mako, «de hauts responsables de la police marocaine se sont rendus secrètement sur place [en Israël, ndlr] pour coordonner l’opération récemment». Toujours selon la même source, qui cite un haut gradé de la police de l’État hébreu, «il ressort des concertations que l’extradition des deux hommes se fera via l’Espagne, étant donné l’absence de relations diplomatiques officielles entre le Maroc et Israël».
Pour Me Segev, cette «décision officieuse» révélée par la presse de son pays est «complètement illogique».
«Il faut savoir que Golan n’a toujours pas été reconnu coupable ni condamné par la justice marocaine. Or, pour l’extrader, il faut qu’il ait au moins purgé sa peine, ce qui n’est clairement pas le cas dans ce dossier. En plus, d’un point de vue juridique, il n’y a aucune convention, partenariat ni même d’accord relatif à l’extradition entre Israël et le Maroc pour justifier cette opération», argumente-t-il.
«Pratique pas casher»
L’avocat estime toutefois que le seul moyen pour qu’Israël puisse avoir la mainmise sur Golan Avitan est que les autorités marocaines acceptent de le livrer de façon extrajudiciaire.
«Sur la surface, entre Israël et le Maroc, il n’y a pas de relations diplomatiques officielles. Mais nous savons tous que les deux pays ont des connexions directes aussi en ce qui concerne les questions sécuritaires», déplore Me Segev.
«C’est justement en usant et en abusant de ces mêmes connexions, parfois avec des menaces, voire en mettant de larges pressions diplomatiques ainsi que des manœuvres souterraines sur l’autre pays, que les autorités israéliennes parviennent souvent à faire extrader un de leurs ressortissants détenus à l’étranger. C’est une pratique pas du tout casher qui est pourtant courante ici. Malheureusement, c’est ce que nous observons encore aujourd’hui dans le cas de mon client», poursuit-il.
Golan Avitan risque de gros ennuis dès qu’il aura remis les pieds en Israël. De graves chefs d’accusation sont d’ores et déjà retenus contre lui par les autorités de l’État hébreu. Le fugitif est soupçonné d’avoir participé à un attentat à la bombe téléguidée commis en 2003 à Tel-Aviv. Ce crime a coûté la vie à trois personnes et en a blessé une vingtaine d’autres. Sa fuite aggrave lourdement son cas.
De Tel-Aviv à Casablanca
En 2018, Golan Avitan a été poursuivi en Israël en état de liberté pour sa participation présumée à l’attentat à la bombe. Assigné à résidence et surveillé avec un bracelet électronique, il a tout de même pu quitter son pays et venir se réfugier à Casablanca au Maroc.
En retraçant le déroutant parcours de Golan Avitan, son avocat regrette «une véritable chasse à l’homme» fomenté contre son client:
«Plusieurs criminels présumés israéliens se réfugient au Maroc pour échapper à la justice sans jamais faire l’objet d’une quelconque opération d’extradition. Ils savent très bien que l’absence de relations diplomatiques officielles entre les deux pays entrave le processus d’extradition ou de déportation. Dans le cas de Golan, il s’agit plutôt d’une affaire personnelle, les autorités veulent sa tête coûte que coûte. Elles font donc tout leur possible pour le capturer», affirme Yaniv Segev.
L’Espagne dans le coup?
Durant son séjour à Casablanca, Golan Avitan aurait réussi à obtenir de faux papiers prouvant sa citoyenneté marocaine. Il aurait payé un réseau israélien de falsification de documents géré par Chiko Beit Adah, son présumé compagnon d’extradition.
Selon les autorités de l’État hébreu, les deux hommes seraient membres de «Yitzhak Aberjil», un gang considéré comme la plus grande organisation criminelle en Israël.
«Pour le moment, l’extradition me paraît peu probable. Mais après les procès et les jugements au Maroc, cette opération aura sûrement lieu puisque Rabat semble pouvoir céder aux pressions israéliennes dans ce dossier. Maintenant, reste à savoir dans quel pays se fera l’escale top secrète. L’Espagne pourrait être un candidat sur mesure vu ses bonnes relations avec l’État hébreu. Mais jusqu’à présent, rien n’est encore scellé», conclut Me Segev.