Au Mali, la Charte de la transition, cette «petite Constitution» devant régir l’après-Ibrahim Boubcar Keïta déposé par un coup d’État militaire le 18 août 2020, est désormais officiellement promulguée. Faisant partie des conditions exigées pour lever les sanctions économiques de la Cedeao sur le pays, la publication de ce texte au Journal officiel vient s’ajouter au rang des précédentes conditions exigées par les chefs d’État d’Afrique de l’Ouest et déjà respectées par ce pays sous embargo.
Les principales conditions exigées pour la levée des sanctions sur le Mali concernent la nomination d’un Président et d’un vice-Président de la transition civils, la dissipation des «zones grises» sur la fonction du vice-Président, assimilé à un moment à un Président-bis, la publication officielle de la Charte, et la libération des personnes qui ont fait l’objet d’une arrestation lors du coup d’État.
Le triumvirat à la tête du pays est désormais connu. Il s’agit du militaire à la retraite Bah N’daw, en tant que Président de la République, du militaire en fonction le colonel Assimi Goïta au poste de vice-Président et du diplomate Moctar Ouane comme Premier ministre. Concernant la demande de clarification de la Cedeao sur les contours de la fonction de vice-Président, la version officielle de la Charte apporte un élément de réponse. Il est précisé dans son article 7 que le Président de la transition est «secondé» par le vice-Président:
«Le Président de la transition est secondé par un vice-Président. Le vice-Président est chargé des questions de défense et de sécurité.»
Dans la version initiale de la Charte, adoptée à la suite de concertations nationales, le vice-Président en charge des questions de défense et de sécurité avait les pleins pouvoirs pour remplacer le Président dans ses fonctions «en cas d’empêchement provisoire ou définitif» de ce dernier. Une disposition qui suscitait des craintes quant à la marge de manœuvre importante qui se trouverait, potentiellement, aux mains du militaire titulaire de cette fonction.
Les sanctions économiques imposées au Mali par la Cedeao consécutivement au coup d’État militaire du 18 août 2020 pourraient-elles, dès lors, être levées? «Le Mali traverse la plus grande crise sahélienne depuis l’indépendance. C’est une crise globale car à la fois sécuritaire, économique, institutionnelle et morale (corruption). Elle pourrait devenir humanitaire si l’embargo se poursuit», s’alarme dans une déclaration à Sputnik le politologue Emmanuel Desfourneaux, directeur général de l’Institut de la culture afro-européenne à Paris.
Dans ses différentes communications, l’organisation régionale conditionnait la levée des sanctions à un certain nombre de mesures, dont la plupart apparaissent aujourd’hui comme satisfaites. À l’exception notable, toutefois, de la libération des prisonniers politiques et de la dissolution du CNSP. Concernant le dernier point, cette structure mise en place par la junte au lendemain de son coup d’État devrait intervenir quand les organes de la transition auront été mis en place, précise l’acte fondamental 001 du CNSP. Ce qui n’est pas encore le cas.
Les prérogatives des autres organes de la transition
Les organes de la transition reconnus par la Charte sont le Président de la transition –qui «remplit les fonctions du chef de l’État» tout en veillant «au respect de la Constitution et de la Charte de transition», il remplit aussi les prérogatives qui s’appliquent à lui dans la Constitution–, le Conseil national de la Transition –qui joue le rôle de législateur– et le gouvernement de la transition composé de 25 membres avec à la tête un Premier ministre.
Le Conseil national de la transition, l’organe législatif composé de 121 membres, n’est pas encore constitué. Le gouvernement du Premier ministre et diplomate Moctar Ouane est toujours attendu après la prise de fonction de ce dernier le 28 septembre. Depuis le Président en passant par le vice-Président, le Premier ministre et le gouvernement, la Charte dispose que ces derniers ne sont pas éligibles aux scrutins présidentiel et législatifs qui doivent se tenir à la fin de la transition pour marquer le retour du Mali à une situation institutionnelle normale.