Qu’est-ce qui bloque la levée des sanctions économiques de la Cedeao sur le Mali?

© AFP 2024 MICHELE CATTANILe Président, Bah Ndaw (à droite), et le vice-Président, le colonel Assimi Goïta (à gauche), de la transition du Mali
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Les premières conditions de la Cedeao pour lever les sanctions économiques sur le Mali après le coup d’État du 18 août ont notamment été d’avoir à la tête de la transition un Président civil et un Premier ministre civil. Malgré le respect de ces exigences, le pays reste toujours sous embargo, et ceci depuis plus d’un mois et demi.

Après le coup d’État militaire au Mali le 18 août dernier, les dirigeants de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) ont suspendu le pays de toutes les instances régionales de décision, fermé leurs frontières et arrêté les flux et transactions économiques, financières et commerciales avec cet État. Ces sanctions devaient être levées avec la nomination d’un Président de la transition civil, ainsi que d’un Premier ministre civil.

Pourtant, malgré la prestation de serment du nouveau dirigeant Bah N’Daw, le 25 septembre, et l’investiture du Premier ministre Moctar Ouane trois jours plus tard, l’embargo économique sur le Mali n’est toujours pas retiré.

© Photo ManuInvestiture du Président de la transition, Bah N'Daw, le 25 septembre 2020, à Bamako
Qu’est-ce qui bloque la levée des sanctions économiques de la Cedeao sur le Mali? - Sputnik Afrique
Investiture du Président de la transition, Bah N'Daw, le 25 septembre 2020, à Bamako

Selon la Cedeao, il existe encore des «zones grises» à éclaircir avant la levée des sanctions, notamment sur les prérogatives du vice-Président de la transition, le colonel Assimi Goïta, au préalable président de la junte putschiste. À côté de la gestion des questions de défense et de sécurité, le détenteur de ce poste est appelé à remplacer le Président «en cas d’empêchement provisoire ou définitif». Une disposition qui semble poser problème.

En effet, dans le communiqué de la Mission de la médiation de la Cedeao sur le Mali en date du 25 septembre, des réserves ont été clairement émises sur le rôle de ce vice-Président. De même qu’il a été rappelé la nécessité de dissoudre le Comité national pour le salut du peuple (CNSP-l’institution créée après le coup d’État par la junte).

«La Mission rappelle l’importance d’obtenir la version finale et officielle de la Charte de la transition prenant en compte les décisions issues des sommets des chefs d’État et de gouvernement de la Cedeao, notamment la dissolution du CNSP avant ou après l’investiture du Président de la transition; l’impossibilité pour le vice-Président de remplacer le Président de la transition, la durée de la transition fixée à 18 mois à compter du 15 septembre 2020», peut-on lire dans le communiqué.

La transition et ses démembrements

Au Mali, l’administration de la transition est composée d’un Président, d’un vice-Président et d’un Premier ministre qui sera à la tête d’un gouvernement de 25 personnes. En guise de pouvoir législatif, un Conseil national de la transition -avec 121 membres répartis entre les forces de défense et de sécurité, et les autres forces vives de la nation- sera instauré.

Pour ce qui concerne la dissolution du CNSP exigée par la Cedeao, l’article 30 de l’Acte fondamental 001 du CNSP stipule clairement que «le Comité national pour le salut du peuple a pour mission d’assurer la continuité de l’État en attendant la mise en place des organes de transition». Mais le processus de mise en place de ces organes est toujours en cours, de même que la composition du gouvernement et celle du Conseil de la transition n’ont toujours pas été annoncée.

Globe - Sputnik Afrique
L'ex-ministre des Affaires étrangères Moctar Ouane nommé Premier ministre de transition au Mali
La situation que traverse le Mali après le coup d’État du 18 août est inédite à plus d’un titre. Il s’agit notamment de la première fois que la transition est bicéphale, avec un Président et un vice-Président prévus dans la Charte de transition. Pour ce faire, des observateurs proposent que «le rôle du vice-Président ne soit pas confondu avec celui du Président».

«Cela va créer des problèmes. Nous avons peur qu’un militaire, fût-il vice-Président, puisse remplacer le Président en cas d’empêchement de celui-ci. Je pense que le blocage est à ce niveau. La junte doit faire des concessions», estime Amadou Traoré, leader du parti Union et membre de la Coalition des forces patriotiques (Cofop) interrogé par Sputnik.

L’analyste politique Khalid Dembelé estime pour sa part, dans une déclaration à Sputnik, que «le statut du vice-Président n’est pas clair». C’est au nom de cette absence de clarté que la Cedeao continue de faire pression et de maintenir les sanctions économiques. Il est rejoint par Emmanuel Desfourneaux, politologue et directeur général de l’Institut de la culture afro-européenne à Paris qui précise à Sputnik que «selon les derniers pourparlers qui ont précédé les nominations de Bah N’Daw, Moctar Ouane et AssimiGoïta à la tête de la transition, le poste de vice-Président destiné au Président du CNSP, et ses contours étaient la principale pierre d’achoppement avec la Cedeao. Elle le demeure encore aujourd’hui».

Dans la Constitution malienne, qui n’est officiellement toujours pas suspendue, c’est le Premier ministre qui remplace le Président de la République en cas de vacance. Certaines voix considèrent que le pays ne peut pas déroger à cette disposition, estimant que même si les différents acteurs qui œuvrent pour une sortie de crise au Mali travaillent avec l’Acte fondamental, la Charte et la Constitution, «la Constitution reste au-dessus de tous les textes» car elle a été votée par référendum.

Pourtant dans le contexte actuel, et en prévoyant un intérim au profit du vice-Président, au demeurant un poste que méconnaît la Constitution, la Charte prédomine dans la prise de certaines décisions.

Pour Amadou Traoré, présenté comme le plus jeune candidat à la présidentielle de 2018 au Mali, «la Cedeao est toujours dans son rôle». Il estime que «le sacrifice doit venir de chaque côté» car l’institution sous-régionale a fléchi sur sa position par rapport à la durée de la transition. La Cedeao, qui avait proposé au départ une transition de 12 mois, a finalement accepté les 18 mois proposés par les Maliens après des concertations nationales.

«C’est donc au tour de la junte de s’assumer et d’accepter l’offre de la Cedeao», confie Amadou Traoré. En d’autres termes, clarifier les fameuses «zones grises» pour obtenir la levée des sanctions.

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