Fini les deux «miss» sur les podiums du Tour de France. La Grande boucle modifie pour la première fois son protocole, qualifié de «sexiste» par ses détracteurs. Désormais, il n’y aura plus deux hôtesses, mais un homme et une femme pour remettre le maillot au vainqueur de l’étape. Christian Prudhomme, directeur du Tour de France, a annoncé ce changement à l’occasion d’une conférence de presse où il présentait les consignes sanitaires pour le départ de l’édition 2020, qui aura lieu à Nice le 29 août prochain. «Vous aviez l'habitude de voir le champion entouré de deux hôtesses, avec cinq élus d'un côté et cinq représentants des partenaires de l'autre. Là, ce sera différent avec un seul élu et un seul représentant du partenaire du maillot jaune, ainsi qu'une hôtesse et un hôte pour la première fois», a-t-il déclaré.
Interrogée par Sputnik, Claire Charlès, secrétaire générale des Effrontées, une association féministe, explique que «même si cela n’a pas été précisé, du moment que l’on sait que ce sera mixte, cela met fin à la tradition du "baiser" de l’hôtesse au vainqueur. De fait, ce ne sera plus un protocole sexiste mais quelque chose de beaucoup plus anodin, donc c’est une première victoire à ce niveau-là».
Protocole jugé sexiste
Pour la militante féministe, la modification de ce cérémonial était importante: «Symboliquement, cette pratique renvoyait une image de femme objet. Un peu comme un cadeau au héros du jour. Il fallait absolument qu’il soit accueilli par des hôtesses, jeunes, jolies, selon certains critères stéréotypés.» Pour ne plus limiter celles-ci à une case?
«Ce n’est plus possible de renvoyer cette image aux petites filles qui ont besoin aujourd’hui de construire des schémas de femmes qui sont aussi des cyclistes, des sportives. Dans le monde du cyclisme, les femmes ne sont pas seulement des hôtesses.»
Pourtant, sur les réseaux sociaux, certaines évoquent un métier agréable qui leur a permis de financer leurs études.
Cette bataille entre féministes et hôtesses n’est d’ailleurs pas neuve. Il y a deux ans, celles des courses automobiles étaient montées au créneau. En témoigne cette ancienne «grid girl» [hôtesse de circuit sur la grille de départ d’une course, ndlr] britannique, Sophie Wright, qui s’était insurgée contre la décision de Liberty Media, propriétaire de la Formule 1, d’arrêter cette tradition. «Le féminisme coûte maintenant aux femmes leur emploi [...] J’ai adoré être une grid girl!», assurait-elle.
Un constat partagé notamment par Peggy Sastre, essayiste, docteur en philosophie des sciences, qui a déclaré sur Twitter n’avoir «jamais vu autant de "féministes" de "gauche" se réjouir d'un plan social ciblant exclusivement des femmes».
«Dépotichiser» et revaloriser le métier
«Résumer l’hôtessariat à deux hôtesses de podium et dire que l’on détruit l’emploi parce qu’il y aura un homme à la place d’une femme, c’est vraiment être d’une mauvaise foi totale», rétorque Claire Charlès. Et d’ajouter: «Pourquoi le métier ne serait-il pas aussi masculin? Ensuite, il y aura toujours des hôtesses le long des caravanes publicitaires et dans plein d’autres événements».
«Nous ne sommes pas du tout pour la destruction du métier. On est pour sa revalorisation car il requiert des compétences, de la polyvalence, des capacités d’adaptation parce qu’il faut pouvoir apprendre très vite pour informer le public. Ce sont des personnes qui sont absolument indispensables.»
«Il y a eu beaucoup de témoignages de femmes qui disaient qu’elles n’en pouvaient plus, soit des agissements sexistes, soit du harcèlement ou des agressions qu’elles subissaient mais aussi de toutes les missions dénuées de sens qu’on leur donnait», détaille la secrétaire générale des Effrontées.
En outre, la militante féministe souligne que «la précarité est l’élément qui fait que vous n’avez aucune marge de manœuvre pour améliorer vos conditions de travail». En effet, si les hôtesses se plaignent, les agences sont susceptibles de ne plus les rappeler.
«Pour lutter contre le sexisme, les discriminations et la précarité, à un moment donné, il faut une volonté politique qui contraint par la loi les agences et les employeurs à changer leur pratique par rapport aux hôtesses», conclut Claire Charlès.