Pétrole sénégalais: Woodside bloque Lukoil et se protège de «sanctions américaines»

En exerçant son droit prioritaire dans l’acquisition des parts de Cairn Energy dans le principal champ pétrolier sénégalais, la compagnie Woodside ferme la porte au russe Lukoil qui était déjà en négociations avec Cairn. Une décision qui pourrait être motivée par le souci du groupe australien d’éviter des sanctions américaines.
Sputnik

Le géant pétrolier russe Lukoil n’est pas près de mettre un pied dans le pétrole sénégalais.

Le géant russe Lukoil s’implante dans le pétrole sénégalais
Ce 17 août, la compagnie australienne Woodside, principal opérateur du champ pétrolier sénégalais Rufisque Offshore, Sangomar Offshore et Sangomar Offshore Profond (RSSD), a décidé de racheter elle-même les 40% d’actifs que Cairn Energy avait placés en vente à la Bourse de Londres.

Pourtant, le 27 juillet dernier, Lukoil avait exprimé son intention de reprendre les parts de Cairn pour une transaction convenue de 400 millions de dollars (environ 340 millions d’euros ou 225 milliards de francs CFA).

Dans un communiqué rendu public, Woodside ne fournit pas d’explication sur les raisons de son opposition à l’achat des parts de Cairn Energy par Lukoil. Toutefois, son président-directeur général Peter Coleman, en évoquant le besoin de «simplifier la structure du capital de la coentreprise RSSD», ne manque pas de faire référence au souci de sécuriser le projet, en particulier contre les États-Unis.

«[Cette] acquisition représente une opportunité pour Woodside d'approfondir son intérêt bien compris dans un actif de classe mondiale avec une production à court terme, tout en protégeant les intérêts des actionnaires en éliminant l'incertitude potentielle des sanctions américaines s'appliquant au développement du champ de Sangomar», déclare Peter Coleman dans le communiqué, sans établir de lien direct entre l’offre de Lukoil et lesdites sanctions.

La compagnie australienne indique avoir notifié à ses partenaires sa décision d’exercer «son droit de préemption sur la vente par Capricorn Senegal Limited (Cairn) à Lukoil Upstream Senegal BV (Lukoil) de la totalité de la participation de Cairn dans l’entreprise commune Rufisque Offshore, Sangomar Offshore et Sangomar Deep Offshore». À cet effet, «les conditions de l’acquisition par Woodside de la totalité de la participation de Cairn refléteront celles de l’opération Cairn/Lukoil», précise la compagnie Woodside.

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Le champ pétrolier RSSD est un contrat d’association créée sous la forme d’une joint-venture. Il regroupe Woodside (31,89%) qui en est l’opérateur, la Société des pétroles du Sénégal (Petrosen, 18%), Far Limited Senegal (13,67%) et Cairn Energy (36,44%). Si Woodside acquérait les parts de Cairn Energy, il deviendrait majoritaire avec 68,33% du champ RSSD.

«Dans le contrat d’association qui lie les partenaires du champ pétrolier RSSD, chaque partie a la possibilité de vendre ses parts à une entité extérieure au groupe. Mais les dispositions légales indiquent que si un partenaire est intéressé, il devient prioritaire à l’achat s’il respecte les termes de la transaction conclue par cette partie avec cette entité extérieure», explique à Sputnik Mbaye Sarr Diakhaté, journaliste spécialisé dans les questions pétrogazières.

Concrètement, Woodside s’engage donc sur le prix de cession que Lukoil avait accepté de verser à Cairn, soit un montant global de 400 millions de dollars, «plus des ajustements du fonds de roulement, y compris le remboursement des dépenses d’investissement de développement de Cairn injectées depuis le 1er janvier 2020». La compagnie australienne entend financer cette acquisition sur ses «réserves de trésorerie actuelles».

Même si elle soutient avoir les moyens de s’offrir ces parts à plus de 400 millions de dollars en puisant dans ses réserves actuelles de trésorerie, Woodside se dit prête à atténuer sa gourmandise si les autres membres de RSSD –Far Senegal ou Petrosen– décidaient eux aussi d’«exercer leur droit de préemption sur l’opération Cairn/Lukoil». Dans tous les cas, toute nouvelle configuration du capital doit recevoir l’approbation du gouvernement sénégalais pour être effective.

Mis à mal par l’apparition brutale de la pandémie à coronavirus, le projet RSSD dirigé par Woodside prévoit une capacité de production de 100.000 barils par jour à partir de 2023.

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