La crise économique et financière engendrée entre autres par l’épidémie de Covid-19 a contraint le gouvernement marocain à proposer un projet de loi de finances rectificative de celle de 2020 pour faire face à la situation.
État des lieux
«Sur le plan économique et financier, en se basant sur les statistiques publiées par les institutions publiques, on peut affirmer que globalement la situation est mauvaise», a déclaré l’expert. «L’impact de la crise est assez fort, mais pas uniquement en raison de la crise sanitaire du Covid-19», a-t-il précisé.
Et d’expliquer que «du fait du confinement, les gens ont dû arrêter de travailler et la production nationale s’est effondrée provoquant une crise de l’offre».
Parallèlement à cette situation, la grande vulnérabilité de la population marocaine s’est révélée en raison de la crise. «En effet, quand le gouvernement a été contraint de distribuer des aides [1.000 dirhams (90 euros) par ménage, ndlr], pas moins des deux tiers de la population, soit plus de 24 millions de Marocains sur un total de 36 millions, se sont inscrits sur les listes des demandeurs», a souligné M.Akesbi. Et d’ajouter que «l’arrêt des revenus, qui a frappé des pans entiers de la population à cause du confinement et la baisse de la consommation qui s’en est suivie, a dégénéré également en crise de la demande, causant ainsi un raidissement de toute la machine économique».
«Le premier est la sécheresse. En février, bien avant la crise du Covid-19, on savait déjà que 2020 allait être une année de sécheresse. Au Maroc, ce phénomène naturel ne veut pas dire seulement une situation dramatique dans le milieu rural où vivent encore entre 13 à 14 millions de Marocains. Mais un fort impact sur l’ensemble de l’économie, en raison de l’importante part de l’agriculture dans le PIB du pays. La sécheresse a toujours engendré une croissance faible dans le pays», a-t-il expliqué.
L’autre facteur aggravant est le fait que l’économie marocaine est fortement liée à celle de l’Union européenne. En effet, des pays de l’Europe du Sud comme l’Espagne, la France et l’Italie avec qui le Maroc réalise l’essentiel de ses échanges économiques ont été fortement ébranlés par la crise du coronavirus. Ceci a engendré «une baisse des exportations marocaines, une chute du nombre de touristes et des investissements étrangers en plus d’un asséchement des transferts en devise de la communauté marocaine établie dans ces pays, à cause de la baisse de leurs revenus suscitée par le confinement», a affirmé M.Akesbi, soulignant que «la croissance sera de l’ordre de -5 à moins -6% en 2020, un niveau de récession jamais atteint depuis 40 ans».
«Les mesures prises par le gouvernement ne sont pas à la hauteur»
Pour étayer son argument, Najib Akesbi a fait savoir que «sur le plan économique, le gouvernement s’est contenté de confier aux banques la gestion des problèmes financiers des entreprises». «La banque centrale, Bank Al-Maghrib, s’est contentée uniquement de baisser le taux directeur, alors, qu’on sait qu’au Maroc, il n’y a pas de relation de cause à effet directe entre ce dernier et les taux d’intérêts pratiqués par les banques qui prêtent aux entreprises».
«Malheureusement le constat montre qu’en réalité le secteur bancaire, qui est largement oligopolistique dirigé par un lobby puissant qui administre lui-même la politique monétaire et financière du pays, n’a pas joué le jeu», a déploré l’économiste, précisant que «les conditions des crédits sont restées inappropriées au contexte». «En réalité les mesures prises ont juste permis aux entreprises de faire face aux problèmes de leurs fonds de roulement tout comme les décisions de différer les échéances et le paiement des taxes et des impôts», a-t-il expliqué.
«La loi de finances rectificative a été une immense déception»
Alors que les opérateurs économiques tout comme la population attendaient du gouvernement un vrai plan de relance, comme cela se fait partout dans le monde, «cette loi [de finances rectificative, ndlr] a été une immense déception», a déploré l’expert.
Et d’expliquer que «non seulement les dépenses publiques n’ont pas augmenté, mais [que] les investissements de l’État ont baissé de -8%, ceci en plus des coupes dans les budgets des ministères de l’Éducation nationale, des Affaires sociales et de l’Aménagement du territoire et de l’urbanisme». «La loi prévoit également la suspension des recrutements en 2021, le blocage de l’avancement des fonctionnaires en 2020», a ajouté le Pr Akesbi, affirmant que «le gouvernement a finalement opté pour un programme d’austérité classique, soit la solution facile».
Enfin, Najib Akesbi a dénoncé le fait que même «pour faire face au problème de la baisse des recettes fiscales de 40 milliards de dirhams (3,66 milliards d’euros), l’État a également fait le choix facile de l’endettement, dont les trois quarts proviendront de l’étranger».