Confinée, déconfinée et... reconfinée partiellement. En l’espace d’une journée, la ville du détroit et son million d’habitants sont passés par toutes les phases.
Lundi 13 juillet en soirée, ils étaient nombreux à sortir dans la rue en scandant «vive le peuple». Un slogan contestataire tiré d’un morceau de rap marocain devenu populaire après la condamnation de l’un de ses auteurs pour «insulte à la police», fin 2019.
Reportage vidéo avec interview des contestataires qui se relaient au micro du médial local Tanja7.com pour exprimer leur désarroi.
Anouar Tanjaoui, 37 ans, est coordinateur adjoint du Forum marocain des droits de l’Homme dans la région de Tanger. Interrogé par Sputnik sur la situation inédite que vit sa ville natale, il se dit «déçu» par cette «mascarade». Pour lui, la colère des habitants était prévisible: «La plupart des manifestants qui sont sortis lundi soir sont de simples commerçants qui, à cause de la crise sanitaire, étouffaient déjà financièrement. Tous accumulent des montagnes de dettes et de crédits depuis des mois, certains sont sur le point de fermer boutique. L’annonce de ces nouvelles restrictions a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.»
Anouar Tanjaoui affirme néanmoins que les esprits se sont calmés depuis lundi, car les autorités lâchent un peu du lest. «Mais la situation risque de dégénérer à tout moment», prévient-il.
Jugeant la décision officielle «hâtive» et «discriminante», le jeune militant ne mâche pas ses mots:
«Au lieu de fermer les nombreuses usines où des foyers de contamination sont détectés à chaque fois, les autorités ont décidé de sanctionner le maillon le plus faible en confinant l’une des zones les plus pauvres de la ville. Le pire, c’est que la prise de décision a été marquée par une improvisation, un tâtonnement et un amateurisme affligeants. Ces communiqués en série qui se contredisent sont tout simplement insensés.»
Aux contradictions liées au confinement total devenu aussitôt partiel dont parle Tanjaoui, s’ajoutent celles concernant le transport public. En décidant le reconfinement de Tanger, le ministère de l’Intérieur annonçait une suspension du transport ferroviaire, au départ et à destination de cette pointe méditerranéenne du nord du pays. La mesure a été levée au lendemain de son annonce.
L’Office national des chemins de fer (ONCF) a publié à son tour, mardi 14 juillet, un communiqué expliquant que les trains seront remis en circulation dans les axes de Tanger à partir du 15 juillet. Le transporteur en avait décrété la suspension la veille.
Les cafouillages en série ont provoqué la confusion chez de nombreux internautes. En quelques heures, le hashtag #Tanger a pris la tête des tendances sur Twitter au Maroc. Les commentaires sur les différentes plateformes se suivaient et se ressemblaient. Pour la plupart, ils dénonçaient la même chose: le flou entourant ces nouvelles mesures. Malgré tout, jusqu’à présent, aucun communiqué officiel n’est venu clarifier la situation.
Fatima El Hassani est présidente du Conseil de la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma. En réponse aux questions de Sputnik, elle insiste sur le caractère «inédit» de la situation que vit le royaume, et surtout la ville de Tanger à cause de la pandémie.
«Nous avons ouvert le dialogue avec les différentes parties concernées, notamment les commerçants, pour essayer de répondre à leurs attentes et d’alléger leur souffrance», conclut-elle
Malgré ces restrictions, la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima continue d’enregistrer de nouvelles contaminations. Selon les derniers chiffres du ministère de la Santé, 28 nouveaux cas y ont été recensés, portant son bilan total à 3.231 personnes touchées par la pandémie depuis le début de la crise sanitaire à la mi-mars dans le royaume.