À l’instar de l’Algérie, le débat sur la nécessité de recourir au financement non conventionnel, ou planche à billets, pour faire face à la crise économique et financière fait rage au Maroc. Face à l’appel de certains économistes, le gouverneur de Bank Al Maghrib (banque centrale du Maroc) Abdellatif Jouahri a opposé un non catégorique, évoquant les répercussions sur l’économie algérienne de l’utilisation de la planche à billets entre novembre 2017 et mai 2019 pour financer les dépenses courantes de l’État, dont les salaires des fonctionnaires.
Les arguments de M.Jouahri
Lors d’une conférence de presse tenue mardi 16 juin à Rabat, le directeur de Bank Al Maghrib a expliqué que le recours à la planche à billets sans restriction «conduit à une inflation excessive en plus de son impact sur la balance des paiements, l’épargne et les réserves de change», rapporte le site d’information Article 19. Et pour cause, d’après le responsable, «le déficit de la balance commerciale du royaume d’environ 200 milliards [de dirhams (18,4 milliards d’euros), ndlr] signifie que nous importons plus que nous exportons».
Dans ce sens, Abdelatif Jouahri a expliqué qu’«il n’est pas nécessaire d’évoquer ce qui est arrivé à notre voisin [l’Algérie, ndlr] qui est allé dans ce sens et avait dit qu’elle ne parlerait pas au FMI et à la Banque mondiale». «Ses réserves de plusieurs années ont chuté, passant de 240 à 50 milliards de dollars», a-t-il souligné, appelant à tirer les leçons de l’histoire économique et à éviter de répéter les erreurs du passé.
État des lieux au Maroc
Selon L’Économiste, depuis la mise en place des mesures de l’état d’urgence sanitaire, le déficit budgétaire du pays s’est creusé de 25,5 milliards de dirhams (2,4 milliards d’euros).
Au-delà de la polémique, le crédit public productif
Au lieu d’utiliser la création monétaire pour financer les dépenses courantes de l’État, ce que M.Jouahri dénonce à juste titre en raison du risque inflationniste, Bank Al Maghrib pourrait recourir au principe du crédit public productif qui a permis à F.K. Roosevelt de mener sa politique du New Deal aux États-Unis et à de Gaulle celle des Trente Glorieuses en France.
Avant de lancer une telle politique dans le cadre d’une planification indicative, il faut noter que le gouvernement marocain est tenu de mettre en place un système fiscal et bancaire qui permette de couper les conduites par lesquelles l’argent est siphonné vers le secteur informel.
Les industriels sélectionnés, publics ou privés, ne disposant pas de la somme nécessaire pour réaliser le projet se tourneraient vers des banques pour solliciter des crédits. Les banques prêteraient alors à ces sociétés, en fonction de leur avoirs obligatoires fixés par Bank Al Maghrib, à taux de 5% d’intérêts pour une durée suffisante, disons de 20 ans.
Dans ce cas, les banques avanceraient 50% du crédit de leurs fonds propres tout en étant assurées que la moitié restante pourrait faire l’objet d’un escompte ou d’une mobilisation auprès de Bank Al Maghrib à un taux de 2%.
Bank Al Maghrib créerait ex nihilo l’argent correspondant aux 50% du crédit restant. Cet argent servirait alors à payer les fournisseurs des matières premières, les salaires des ingénieurs et des techniciens des entreprises chargées de la réalisation de la centrale électrique.
Le Maroc, disposant de cette infrastructure énergétique, pourrait même se lancer dans l’exportation de l’électricité vers les pays du sud de l’Europe et l’Afrique, ce qui lui permettrait d’engranger d’importantes recettes en devises.
Le royaume chérifien qui a développé de grandes capacités dans l’industrie automobile et l’aéronautique pourrait utiliser ce système pour financer des projets de haute technologie qui seraient développés par des entreprises nationales.
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