La situation économique et financière de l’Algérie se corse. En effet, après l’annonce faite le 18 mai par le ministre des Finances Abderrahmane Raouya à l’Assemblée populaire nationale (APN) concernant le déficit budgétaire prévu pour 2020 et la baisse des revenus de l’État avec la chute des prix du pétrole, la Banque d’Algérie fait état d’un important recul des liquidités des banques qui vont bientôt se retrouver dans la difficulté à financer les entreprises. Face à cette situation, le gouvernement algérien a-t-il encore les moyens de tenir ses engagements de non recours à l’endettement extérieur et au financement non conventionnel?
État des lieux
Lors de son passage à l’APN, M.Raouya a indiqué que le déficit budgétaire devrait atteindre 1.976,9 milliards de dinars (13,6 milliards d’euros) en 2020, soit 10,4% du PIB. Les recettes budgétaires de l’Algérie vont selon le ministre baisser à 5.395,8 milliards de dinars (37 milliards d’euros), tout comme les dépenses de l’État qui seront plafonnées à 7.372,7 milliards de dinars (50,5 milliards d’euros), rapporte le site d’information Reporters.
Cette situation va mettre les banques dans de grandes difficultés pour financer les entreprises, et ce malgré les mesures prises par la Banque d’Algérie pour faire face à cette situation. En effet, en avril, la Banque d’Algérie a annoncé une baisse de 25 points de base (0,25%) de son taux directeur qui est passé à 3% et du taux de réserve obligatoire des banques fixé à 6%. Par ailleurs, le seuil de refinancement par la Banque d’Algérie des titres publics a été relevé. À ceci s’ajoute le recul des réserves de change en dessous de 60 milliards de dollars (53 milliards d'euros).
Quid de la planche à billets et de l’endettement extérieur?
À regarder la chute des liquidités bancaires entre fin 2018 et fin mai 2020 (42,38%), il apparaît que la mise en pause en mai 2019 de la planche à billets (lancée en novembre 2017 par le gouvernement d’Ahmed Ouyahia) semble être la cause directe de cette baisse. En effet, entre novembre 2017 et juin 2019, la Banque d’Algérie a imprimé 6.500 milliards de dinars (44,7 milliards d’euros) pour faire face au déficit du budget de fonctionnement de l’État.
Crédit public productif et planche à billets
La monnaie n’a pas de valeur intrinsèque. Elle en acquiert une en fonction des biens et services nés des avancées scientifiques et technologiques d’un pays qui permettent la création d’échanges quantifiables.
Au lieu d’utiliser la création monétaire pour financer les dépenses courantes de l’État (dont 70% sont les salaires), et pouvant entraîner l’économie algérienne dans une spirale inflationniste, il existe un moyen de transformer l’argent créé ex nihilo en capital physique avec un effet autobloquant de l’inflation. Tel est le principe du crédit public productif qui a permis à F.K. Roosevelt de mener sa politique du New Deal aux États-Unis et à de Gaulle celle des Trente Glorieuses en France.
Imaginons que l’État établisse un plan de construction d’un million de logements, dont 25% de sociaux. Les promoteurs immobiliers, publics ou privés, ne disposant pas de la somme nécessaire pour réaliser le projet se verraient obligés de solliciter des crédits auprès des banques. Les banques prêteraient alors aux entreprises du BTP en fonction de leur avoirs obligatoires fixés par la Banque d’Algérie au taux de 5% d’intérêts pour une durée suffisante couvrant la période de réalisation et de vente des logements destinés au marché immobilier et de la collecte des loyers pour les sociaux (soit 20 ans). Dans ce cas, les banques avanceraient 40% du crédit de leurs fonds propres tout en étant assurées que les 60% restants pourraient faire l’objet d’un escompte ou d’une mobilisation auprès de la Banque d’Algérie à un taux de 3%, comme c’est le cas actuellement, voire à 2%.
Une fois les projets finis, les promoteurs immobiliers entameraient la vente des logements et la location des logements sociaux. Les recettes engrangées permettraient de rembourser les crédits. Et les banques à leur tour rembourseraient la Banque d’Algérie. Et une fois le crédit totalement remboursé, la monnaie initialement créée serait détruite par la Banque d’Algérie. Cependant, elle se serait entre-temps transformée en capital physique (logements, écoles, crèches, commerces, etc.).
Dans la réalité, l’augmentation de la masse monétaire en circulation dans l’économie correspond à l’augmentation de l’encours des crédits sur l’économie réelle, à condition d’assécher les liquidités du marché parallèle, ce qui bloque complètement l’inflation.
Ce système peut être appliqué à tous les secteurs de l’économie. Il peut notamment servir à financer des projets de haute technologie qui seront développés par des entreprise nationales.