Combats de rue: nouvel exutoire d’une jeunesse burkinabè aux abois? - vidéos

Des combats de rue à mains nues entre adolescents ont fait leur apparition ces dernières semaines à Ouagadougou, la capitale burkinabè. Si ce nouveau phénomène surprend et inquiète, pour certains observateurs, il faut y voir un «appel à l’aide» de la jeunesse.
Sputnik

Les rues de Ouagadougou deviendraient-elles de vastes rings pour des jeunes en mal de sensations fortes? C’est ce que laissent suggérer des vidéos apparues ces dernières semaines sur les réseaux sociaux et mettant en scène des adolescents qui n’hésitent pas à faire parler, sans merci, la puissance de leurs poings.

Selon des témoignages, tout commence généralement sur WhatsApp, par des défis que se lancent les futurs protagonistes dans des groupes souvent créés à dessein. Les combattants déterminés, le lieu et l’heure fixés, les paris sont alors ouverts sur des sommes pouvant parfois excéder 50.000 francs CFA (environ 76 euros).

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Le jour de l’affrontement, les membres du groupe répondent présents en nombre pour encourager leur challenger. Des vidéos de ces bagarres sont à l’occasion partagées presque en temps réel sur WhatsApp et atterrissent parfois sur Facebook. Ces combats n’obéissent pas à des règles précises. Le duel se déroule sous l’acclamation des soutiens respectifs des deux challengers, smartphones braqués sur le ring improvisé, en vue d’immortaliser le moment. D’autres fois, c’est l’œil curieux, amusé ou réprobateur des passants qui vient se poser sur cette «drôle de distraction», comme la qualifiait un reportage de Burkina Info. En tout état de cause, le combat prend fin quand le lutteur s’avoue vaincu et décide de se retirer, après avoir essuyé trop de coups. Aucune blessure grave n’a été signalée, pour l’instant…

Un reportage de Burkina Info sur le phénomène des combats de rue au Burkina Faso.

Appelée par des internautes à réagir pour rétablir l’ordre public avant que le phénomène ne prenne de l’ampleur, la police a procédé ces derniers jours à des interpellations de jeunes soupçonnés d’avoir un rôle clé dans l’organisation des combats.

Pourquoi ces combats de rue

Interrogé par Sputnik pour essayer de comprendre ce qui peut emmener ces personnes à s’affronter, le sociologue Wilfried Sanou estime que «ces bagarres sonnent comme un appel à l’aide de la jeunesse burkinabè».

«Il arrive que certains se laissent aller à des frasques dans le but de s’affirmer, de se prouver et de prouver aux autres qu’ils existent et ce dont ils sont capables. Pour d’autres, ces écarts de conduite sont surtout un moyen d’attirer sur eux l’attention de leurs parents, voire de la société», a-t-il déclaré.

Selon lui, il ne s’agit, la plupart du temps, que d’une étape temporaire de leur vie, «mais une étape cruciale au cours de laquelle les adolescents ont besoin d’être assistés, encadrés et recadrés».

Mais le sociologue prévient que «là où il faut vraiment s’inquiéter, c’est quand ces frasques sont l’expression ou la conséquence d’un profond malaise qui implique toute la société, comme cela est manifestement le cas avec l’épidémie de coronavirus qui a fait des élèves des désœuvrés».

«Il est assez logique, dans ce contexte, que la rue tende à devenir un exutoire privilégié pour une jeunesse aux abois», a-t-il poursuivi.

L’éducation en crise

Au Burkina Faso, ils sont nombreux à pointer du doigt les travers de l’éducation nationale pour expliquer les dérives de la jeunesse.

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Le système éducatif burkinabè est «malade» depuis plusieurs décennies. Les autorités, qui l’admettent volontiers, tentent depuis 2016 (première année du mandat présidentiel de Roch Kaboré) de lui trouver des remèdes. Lesquels passent nécessairement aussi par l’implication des parents qui, de l'avis des observateurs ont pour certains depuis longtemps démissionné de l’éducation de leurs enfants.

À une situation déjà complexe, le terrorisme puis l’épidémie de Covid-19 sont venus rajouter une couche.

En effet, depuis 2015, le Burkina Faso fait face à une crise sécuritaire majeure, qui a des conséquences désastreuses sur le plan humanitaire, et en particulier sur l’éducation. Des dizaines d’élèves et d’enseignants ont déjà été tués ou blessés dans des attaques d’écoles attribuées à des groupes djihadistes.

L’insécurité a occasionné la fermeture de plus de 2.500 établissements scolaires, selon Unicef qui estime que près de 350.000 élèves et plus de 11.200 enseignants sont touchés par cette situation.

Par ailleurs, en raison de l’épidémie de coronavirus, tous les établissements (plus de 20.000) sont fermés depuis le 16 mars –une situation qui affecte plus de quatre millions d’élèves– et ne devraient officiellement rouvrir qu’à partir du 1er juin prochain.

Mais entre l’insuffisance de masques de protection et les dispositions sanitaires indispensables à prévoir dans les écoles, des doutes subsistent quant à l’effectivité de cette réouverture annoncée qui ne concerne uniquement que les classes qui passent des examens (820.500 élèves, sans les candidats libres), le gouvernement ayant décrété la fin de l’année scolaire pour les niveaux intermédiaires.

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