Au Burkina Faso comme un peu partout en Afrique, parler des menstrues demeure largement tabou. Les règles sont considérées comme une affaire intime qu’il n’est pas bienséant d’aborder en public, et encore plus dans une salle de classe.
Et pourtant, dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, il apparaît plus qu'indispensable de se pencher sur les désagréments qu’occasionne ce phénomène biologique sur la scolarisation des jeunes filles et qui peut les conduire jusqu’au décrochage.
Une fille sur dix s’absente de l’école pendant son cycle
Accès à l’eau potable limité, insalubrité, insuffisance ou absence de toilettes qui leur sont uniquement réservées, manque d’argent pour s’acheter des serviettes hygiéniques... les adolescentes burkinabè éprouvent de grandes difficultés à gérer leurs règles dans les lieux publics. Et cela est particulièrement vrai en milieu rural.
La disponibilité de l'eau, une condition pour une meilleur gestion des menstrues.
— Harouna Simbo Drabo (@HarounaSimbo) May 20, 2020
Dans le milieu scolaire, 52% des écoles sont sans eau 💧, 62 % sans latrines pour les filles. #Burkina
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Il ressort d’études menées en 2010 sur l’eau, l’assainissement et l’hygiène dans les écoles de pays en développement que près de «66 % des filles n’ont aucune connaissance de la menstruation jusqu’au premier événement, ce qui en fait une expérience négative et même souvent traumatisante».
En règle générale, les médecins recommandent de changer de protection périodique toutes les 3 à 4 heures afin d’éviter des infections. Un luxe que ces élèves, qui ont déjà du mal à se procurer une seule serviette, ne peuvent évidemment se permettre.
D'ailleurs, dans les zones rurales, il est d’usage ordinaire de se servir de morceaux d’étoffe (de pagne généralement) en guise de protection. Ce moyen assez rudimentaire les expose à des fuites et au sentiment de honte et de stigmatisation qu’elles génèrent. Pour éviter toutes ces complications, de nombreuses élèves préfèrent tout simplement rester chez elles durant cette période.
Des données sur la gestion des Mentrues des jeunes filles au Burkina Faso.#JIHM #ABBurkina #lwili @wateraid @UNICEF_Burkina @planburkina #WaterAidsBF pic.twitter.com/ctdEFmOEsp
— Minata ZONG-NABA (@MinaZ201805) May 20, 2020
Selon un rapport de l’Unesco publié en 2014, en Afrique subsaharienne, une fille sur dix évite de se rendre à l’école quand elle a ses règles. Cela correspondrait à 20 % de temps scolaire perdu sur une année.
Cette réalité a été confirmée le 25 mai dernier par Anne Vincent, la représentante d’Unicef Burkina Faso, lors d’une cérémonie commémorative de la journée mondiale de l’hygiène menstruelle:
«Il y a autant de garçons que de filles en situation normale dans les écoles. Mais on s’est aperçu que ces dernières, du moment où elles ont leurs règles, s’absentent au moins cinq jours par mois et quelques fois, certaines abandonnent définitivement l’école à ce moment-là», a-t-elle déclaré.
Parfois, il arrive que certains parents poussent leurs filles pubères à quitter le parcours scolaire pour se marier et contribuer au revenu familial.
Cette situation fait que le Burkina Faso détient le cinquième taux de prévalence de mariages précoces le plus élevé au monde. Selon Unicef, 55% des filles sont mariées avant l'âge de 18 ans et une sur 10 l’est avant ses 15 ans.
Des solutions existent
Ces dernières années, le gouvernement burkinabè, aidé de partenaires internationaux comme Unicef et ONU Femmes, multiplie les campagnes de sensibilisation pour encourager les parents à discuter de la gestion hygiénique des menstrues avec leurs enfants.
Dans certains établissements scolaires qui sont particulièrement dans le besoin, des actions ont été menées pour favoriser l’accès à l’eau potable dans les écoles, et des toilettes adaptées construites. De plus, des kits incluant des serviettes périodiques lavables et réutilisables sont distribués aux jeunes filles.
«Nous œuvrons pour une meilleure gestion hygiénique des menstrues et à travailler à ce que cette problématique soit ancrée dans le système éducatif à travers les nouveaux curricula que nous sommes en train d’élaborer, pour que ce ne soit plus une cause d’abandon scolaire. C’est vraiment une priorité pour nous», a déclaré Stanislas Ouaro, ministre de l’Éducation nationale, lors de la cérémonie commémorative.