Dans le contexte de crise qui caractérise le secteur algérien des hydrocarbures, la signature du mémorandum d’entente entre la compagnie pétrolière Sonatrach et le géant russe Lukoil, le 4 mai dernier, est perçue comme une nouvelle encourageante. Les contacts entre les dirigeants des deux entreprises avaient débuté à Moscou, en marge de la 21e réunion du Forum des pays exportateurs de gaz (GECF) qui s’est tenue au mois d’octobre 2019.
«La délégation algérienne était conduite par Rachid Hachichi, ex-PDG de la Sonatrach, et celle de Lukoil par son PDG Vaguit Alekperov. Ce premier contact a été très intéressant car il a permis de jeter les bases du futur partenariat entre les deux groupes. Les parties ont pu délimiter le cadre général d’une collaboration dans des domaines aussi divers que l’exploitation pétrolière, l’offshore ou la transformation des hydrocarbures», avait alors déclaré à Sputnik un haut responsable du ministère de l’Énergie algérien qui avait requis l’anonymat.
Cadre formel
Les discussions informelles avaient donc débuté dès cette première rencontre et ont fini par aboutir à la signature d’un accord pour asseoir un cadre de négociations formel. C’est précisément l’objet de ce mémorandum d’entente qui est un engagement non contraignant dans les limites duquel les deux parties établiront une ligne d'action commune.Dans le communiqué de presse rendu public lundi par la Sonatrach, la signature de ce mémorandum a pour objectif «d’identifier les possibilités d’investir conjointement dans des opérations d’exploration et de production d’hydrocarbures en Algérie, suite à la promulgation de la nouvelle loi algérienne sur les hydrocarbures».
Adoptée en un temps record au mois d’octobre 2019, la nouvelle version de la loi sur les hydrocarbures a pour objectif essentiel d’attirer les partenaires étrangers. Pour l’heure, la Sonatrach a signé des mémorandums d’entente avec quatre autres groupes pétroliers: les majors américaines ExxonMobil et Chevron, le russe Zarubezhneft et le turc Turkiye Petrolleri Anonim Ortakliôi. Ancien PDG de la Sonatrach et consultant en énergie, Abdelmadjid Attar indique à Sputnik que le mémorandum d’entente signé avec Lukoil «doit probablement être identique à celui conclu récemment avec d'autres compagnies pétrolières importantes comme Exxon et Chevron».
«Lukoil est pratiquement la plus importante compagnie pétrolière russe, déjà présente à l'international dans de nombreux projets d'exploration et de production au Moyen-Orient, en Asie et en Afrique, sauf en Algérie. Dans ce cas, l'objectif indiqué dans le communiqué de Sonatrach est effectivement de permettre à Lukoil de participer aux évaluations du potentiel algérien en cours avec plusieurs autres compagnies, et peut-être aussi toute seule», explique Abdelmadjid Attar.
Connaître son domaine minier
Selon Abdelmadjid Attar, l’Algérie se doit «d’améliorer l'état de connaissance de son domaine minier et son potentiel résiduel en matière de réserves qui restent à explorer et à découvrir».
Dépasser la crise
Avec une économie fortement dépendante de ses exportations d’hydrocarbures, l’Algérie est frappée de plein fouet par la crise pétrolière, aggravée par l’épidémie de Covid-19.
Pourtant, le pays a besoin de s’appuyer sur les recettes des hydrocarbures pour diversifier son économie en développant de nouvelles activités (tourisme, agriculture, industrie, services…). Dans ce processus complexe, la Sonatrach reste un acteur incontournable. La compagnie se doit donc de poursuivre ses opérations de recherche et d’exploration malgré la pression de la crise.
«Il s'agit d'une démarche stratégique avec un objectif à moyen et long terme, propre à toutes les compagnies pétrolières, qui ne doit pas être influencée par les crises pétrolières intermittentes. En principe, les évaluations du potentiel algérien en cours ou à venir devraient aboutir au cours de l'année 2020 ou 2021 à définir les périmètres ou les domaines pouvant donner lieu à un partenariat concret, c’est-à-dire à un contrat d'association. Reste à savoir si ces opportunités feront l'objet d'une compétition, donc d’un appel d'offres ouvert ou restreint, ou alors d'une négociation directe», précise Abdelmadjid Attar.
Pour l’ancien PDG de la Sonatrach, le processus définissant les opportunités de partenariat pourrait être déclenché assez rapidement à condition que le mémorandum d’entente «couvre des périmètres dont l'état des connaissances est déjà assez avancé». Auquel cas, il faudra probablement attendre 2021, voire davantage, «car que la crise actuelle ne permet pas dans l'immédiat de faire des prévisions à ce sujet».