Alger suspend l’exportation de 17 produits. Quel impact pour l’économie du pays face au Covid-19?

Dans le contexte de la crise économique suscitée par le coronavirus, Alger a annoncé la suspension de l’exportation de 17 produits conformément à la décision du Président de la République qui a pris quatre autres mesures. L’ex-ministre du Trésor a livré à Sputnik son analyse.
Sputnik

Le Conseil des ministres, sous la direction d’Abdelmadjid Tebboune, a pris le 17 mars la décision d’interdire l’exportation des produits stratégiques pendant la crise sanitaire suscitée par la pandémie du coronavirus. Et le gouvernement algérien vient de dresser une liste de 17 produits entrant dans le cadre de cette mesure, rapporte le site d’information Tout Sur l’Algérie (TSA).

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TSA fait savoir que la liste des produits dont l’exportation est suspendue comprend «la semoule, la farine, les légumes secs et le riz, les pâtes alimentaires, les huiles, le sucre, le café, l’eau minérale, le concentré de tomates, les préparations alimentaires, tous les produits laitiers, y compris ceux destinés aux enfants, les légumes et les fruits frais, les viandes rouges et blanches, les équipements médicaux et paramédicaux, les médicaments et les produits pharmaceutiques, les produits d’hygiène corporelle et les détergents ménagers».

Le communiqué publié à l’issue du Conseil des ministres rapporte qu’il est désormais interdit «d’exporter tout produit stratégique, médical ou alimentaire, jusqu’à la fin de la crise, et ce pour sauvegarder le stock national».

Les autres mesures du Président

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L’accélération de la chute des prix du pétrole à cause du coronavirus met l’économie algérienne en grande difficulté. En effet, avec un baril de Brent (référence pour le pétrole algérien) affiché mardi 24 mars dans les marchés à 27,55 dollars, les revenus du pays sont drastiquement revus à la baisse, creusant ainsi le déficit de près de 50% par rapport aux prévisions de la loi de finances 2020 établies sur un prix référence de 60 dollars le baril.

Lors du Conseil des ministres tenu dimanche 22 mars, Abdelmadjid Tebboune a annoncé quatre mesures à même de faire face à cette situation marquée par une importante chute des réserves de change passées de 179 milliards en décembre 2014, à 62 milliards en décembre 2019.

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La note rédigée pour sanctionner la réunion indique que le Président de la République a décidé de diminuer de 30% le budget du fonctionnement de l’État. Elle souligne cependant que l’éducation, la santé et les salaires des fonctionnaires seront épargnés par cette mesure. Le document mentionne aussi la réduction de la facture des importations de 41 à 31 milliards de dollars et la suspension des recours aux cabinets d’expertise étrangers afin d’économiser sept milliards de dollars par an. Enfin, la Société nationale des hydrocarbures (Sonatrach) devra réduire de 14 à sept milliards de dollars les charges d’exploitation et les dépenses d’investissement afin de préserver les réserves de change.

Quels impacts sur la situation financière du pays

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Sputnik a posé la question à l’ancien ministre algérien du Trésor Ali Benouari (1991-1992), expert international en finance et président du parti non agréé Nida El Watan (l’Appel de la Patrie). Il affirme qu’«il sera très difficile pour le Président de tenir son pari, et ce pour plusieurs raisons».

Ainsi, selon lui, «la réduction des importations jusqu’à 31 milliards dollars comporte des risques sur la paix sociale et pourrait provoquer une flambée du chômage». À ceci s’ajoute «les montants des services qui varient de 12 à 15 milliards de dollars par an et qui sont pratiquement incompressibles car ils font tourner la machine économique».

Concernant la baisse de sept milliards de dollars des investissements de la Sonatrach dans une situation de chute de 60% des réserves en pétrole du pays, «elle est de nature à compromettre les capacités futures de production de la société et donc les revenus du pays, en l’absence d’alternative aux hydrocarbures à moyen terme», explique l’expert.

Le budget de fonctionnement de l’État

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«Pour ce qui est de la baisse de 30% du budget de fonctionnement de l’État, il faut voir dans le détail quels secteurs seront touchés», tempère M.Benouari qui explique que «la Défense et l’Intérieur représentent un tiers de ce budget. L’Éducation et la Santé environ un quart».

Mais le plus problématique rest celui «des Moudjahidine [ministère des Anciens combattants, ndlr] qui se taille une part inimaginable de 4,5%», indique l’ex-ministre, ajoutant que ce budget «correspond à 750 fois celui du tourisme et de l’artisanat; 90 fois celui de l'environnement et des énergies renouvelables; 90 fois celui des postes et des TIC [technologies de l’information et de la communication, ndlr]; 45 fois celui de l'industrie et des mines; 22,5 celui des ressources en eau; 15 fois le budget de l'habitat, de l'urbanisme et de la ville…».

«Comment, dans ces conditions, opérer une coupe brutale de 30% sans causer des dommages pour l’économie et la stabilité du pays?», s’interroge Ali Benouari qui insiste sur le fait qu’«à part le secteur sécuritaire, Défense et Intérieur, et les Moudjahidine, la marge du gouvernement est de zéro au vu des budgets rachitiques alloués aux autres secteurs».

La structure actuelle du budget du fonctionnement de l’État «ne peut être modifiée qu’au prix de réformes structurelles qui bouleverseraient le mode d’organisation et de fonctionnement de l’État tout entier», assure l’expert, car dans les conditions actuelles «il ne reste rien pour développer l’agriculture, l’énergie, les mines, l’industrie, les transports, l’environnement, les TIC, etc.». «Tous les secteurs porteurs de croissance ont un budget inférieur à 1%», conclut-il.

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