Le pouvoir algérien interdit une conférence du Hirak

Les autorités algériennes ont interdit, ce jeudi 20 février à Alger, la tenue d’une Conférence unitaire organisée par des acteurs du Mouvement citoyen. Les initiateurs de cette rencontre ont rendu public le Manifeste du 22 février, un document qui consacre les principes et valeurs du Hirak.
Sputnik

Les organisateurs de l’Initiative du 22 février ont essuyé, une nouvelle fois, une fin de non-recevoir de la part des autorités. Après avoir été empêché d’aménager, dimanche dernier, une conférence de presse dans un hôtel de la capitale, c’est au tour de la Conférence unitaire, qui devait se dérouler ce samedi 20 février, d’être interdite. Le collectif, composé de militants des droits humains, d’étudiants, d’universitaires, de journalistes, de représentants du mouvement associatif et de personnalités de divers horizons, avait pourtant obtenu un accord de principe des responsables de la salle Harcha, un complexe omnisports relevant du ministère de la Jeunesse et des sports.

«La Direction de la réglementation et affaires générales (DRAG) de la wilaya [département, ndlr] d’Alger a finalement interdit cette rencontre. Aujourd’hui, nous devions rassembler plus de 1.400 personnes issues de toutes les régions du pays et qui sont actives depuis un an au sein du Hirak. Ce refus prouve que rien n’a changé en Algérie et que le pouvoir rejette toute initiative citoyenne. Cela se confirme également par la multiplication des barrages routiers pour empêcher les Algériens de célébrer le premier anniversaire du Mouvement populaire dans la capitale», a affirmé à Sputnik, Mouadh Tabaïnet, membre du collectif de l’Initiative du 22 Février.

Les Algériens devraient «se libérer de la dépendance envers la France», car le Hirak est né d’une «bipolarité»
Ce refus est cependant contraire à l’offre de dialogue annoncée par le Président Abdelmadjid Tebboune le jour de son élection. «Je m’adresse directement au Hirak, que j’ai à maintes reprises qualifié de béni, et je lui tends la main pour un dialogue sérieux pour l’Algérie et seulement l’Algérie». Cette offre de dialogue, le chef de l’État l’avait réitérée aux personnalités politiques qu’il avait eu l’occasion de recevoir.

Cependant, pour dialoguer, il est nécessaire que le Mouvement populaire puisse s’organiser et désigner des représentants. Le journaliste Khaled Drareni, également membre du collectif de l’Initiative du 22 Février, ne croit pas en la volonté de dialogue du pouvoir.

«Bien sûr que cette interdiction est incompréhensible et elle va à l’encontre de cette fausse main tendue d’Abdelmadjid Tebboune qui dit vouloir discuter avec des gens du Hirak. Nous savions dès le début que nous ne pouvions rien attendre de ce système qui est la continuité de ce 5e mandat présidentiel [d’Abdelaziz Bouteflika, ndlr]. Notre action doit se poursuivre et se poursuivra indépendamment des mesures de rétorsions et de répression des autorités. Nous continuerons à nous rencontrer, à discuter et à marcher avec les Algériens», a-t-il souligné dans une déclaration à Sputnik.

Algérie : la révolution du sourire, le Disneyland des photographes
L’Initiative du 22 février est-pour l’heure- exclusivement «citoyenne et populaire», les partis politiques n’étant pas conviés à y prendre part. Soufiane Djilali, président du parti Jil Jadid, se montre particulièrement critique envers les initiateurs de cette conférence qu’il qualifie de «show public» visant à permettre «à ceux qui ont eu une existence grâce au Hirak de devenir les maîtres du Hirak». Dans une déclaration à Sputnik, le responsable de ce parti s’étant opposé à Abdelaziz Bouteflika, justifie la décision de la wilaya d’Alger d’interdire la tenue de cette rencontre.

«Il est évident que le pouvoir refuse une réunion de ce type, qui serait plus un meeting qu’autre chose. C’est une manœuvre pour tenter de récupérer un Mouvement populaire qui n’est absolument pas derrière ce type de courant idéologique. S’ils avaient l’intention de s’organiser, ils auraient pu le faire car ils ont tenu des dizaines de réunions qui n’ont jamais été interdites. En s’organisant réellement, ils auraient pu aboutir à la création d’un parti politique, d’une association ou d’un mouvement sans avoir à tenter de récupérer le Hirak. Pourquoi cette ambition démesurée de vouloir ramasser la mise et de se mettre au-dessus de ceux qui ont été à l’origine du Hirak », souligne Soufiane Djilali.

Ex-colonel des renseignements algériens: «L’ère de fabrication des Présidents est révolue»
Une position que rejettent Khaled Drareni et Mouadh Tabaïnet, lesquels insistent sur le fait que les membres du collectif de l’Initiative du 22 février ne sont pas «des représentants du Hirak» mais des «acteurs du Hiraks» parmi d’autres. «Nous sommes du militants du Hirak, nous venons de ce mouvement et nous y participons depuis le premier jour», indique Drareni. Selon lui, l’interdiction de la conférence ne va pas empêcher le collectif d’aller de l’avant. L’Initiative du 22 Février a donc produit un document consacrant les principes et valeurs du Hirak: le Manifeste du 22 Février.

«Le 22 février 2019, les Algériennes et les Algériens, notamment les jeunes, ont investis l’espace public pour exiger la rupture avec le système politique, en affirmant que le peuple est la source véritable et effective du pouvoir. Pour dire leur détermination à sauver l’État menacé par des pratiques de clans qui monopolisent le pouvoir», déclare le préambule de ce Manifeste.

Le pouvoir algérien interdit une conférence du Hirak
Le pouvoir algérien interdit une conférence du Hirak
Discuter