La dissuasion nucléaire française vue par Macron doit «prendre en compte» les intérêts de l’Europe

Emmanuel Macron s'apprête à livrer vendredi sa vision de la dissuasion nucléaire française, après avoir assuré que les intérêts des autres pays européens seraient «pris en compte», dans un environnement stratégique international de plus en plus imprévisible, relate l’AFP.
Sputnik

Depuis la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, la France est désormais le seul pays de l'UE à disposer de l'arme atomique.

Très attendu par le monde militaire, le discours du chef de l'Etat devant l'Ecole de Guerre à Paris fixera comme de coutume la doctrine de dissuasion, considérée par la France comme «la clé de voûte» de sa stratégie de défense et la garantie ultime de ses «intérêts vitaux».

Dans la continuité de ses prédécesseurs, Emmanuel Macron a d'ores et déjà exprimé son attachement à l'arsenal nucléaire français, et promis d'engager sa coûteuse modernisation.

La dissuasion reste au cœur de la stratégie

«La dissuasion fait partie de notre histoire, de notre stratégie de défense et elle le restera», avait-il fait valoir en janvier 2018, en promettant le renouvellement d'ici 2035 de ses deux composantes, océanique et aéroportée.

L'actuelle Loi de programmation militaire prévoit ainsi de consacrer quelque 37 milliards d'euros à l'entretien et la modernisation de l'arsenal nucléaire français entre 2019 et 2025, soit 12,5% de l'enveloppe globale accordée à la défense sur sept ans.

Armée européenne: la France «n’est pas disposée à partager» son armement nucléaire

L'allocution présidentielle intervient dans un contexte international toujours plus tendu, marqué par l'affirmation militaire d'un nombre croissant de puissances, la multiplication des crises régionales et un détricotage en règle du contrôle des armements.

La fin de traités majeurs

Les États-Unis ont annoncé en 2019 leur retrait d'un traité de désarmement majeur conclu en 1987 avec la Russie, le traité sur les armes nucléaires de portée intermédiaire (FNI), qui interdisait les missiles d'une portée de 500 à 5.500 kilomètres. Et Washington menace de ne pas renouveler le traité New Start sur les armements stratégiques nucléaires, conclu en 2010, après son expiration en 2021.

Avec la fin du traité FNI, «La France, l'Allemagne et les autres pays européens sont maintenant menacés par de nouveaux missiles russes», déplorait en décembre le président français en plaidant pour un nouveau traité.

La question de l’Europe

Fervent avocat d'une autonomie stratégique accrue de l'Europe, Emmanuel Macron a promis lundi qu'il prendrait en compte les intérêts des autres pays européens dans son discours sur la dissuasion nucléaire française, alors que nombre d'alliés de l'OTAN, dépendants du parapluie nucléaire américain, s'inquiètent de la politique de désengagement de la scène multilatérale menée par Donald Trump.

Vendredi, «je reviendrai précisément sur la doctrine (de dissuasion française), mais aussi sur les procédures et modalités que je souhaite proposer sur ce sujet dans les prochains mois à nos partenaires», a déclaré M. Macron lundi à Varsovie.

«La dimension européenne est une constante de la posture nucléaire française: tous les grands discours ont toujours articulé les intérêts vitaux français à la sécurité de l'Europe dans son ensemble», rappelle Corentin Brustlein, directeur de recherche à l'Institut français des relations internationales (IFRI).

«Il y a eu un certain nombre de tentatives françaises de dialogue avec les partenaires européens sur la dissuasion qui n'ont jamais abouti», constate-t-il. Mais «les grands équilibres bougent, y compris dans un pays comme l'Allemagne», dont l'opinion est profondément anti-nucléaire et où le sujet reste largement tabou, «où l'on voit émerger des prises de position sur le niveau d'ambition stratégique européenne qui doit grandir».

Pour Macron, «la France n’est ni pro-russe, ni antirusse, elle est pro-européenne»

Les espérances allemandes

Un responsable des conservateurs allemands d'Angela Merkel a plaidé lundi pour que l'UE dispose à l'avenir de sa propre force de dissuasion nucléaire, suggérant une mise en commun de l'arsenal atomique français.

Berlin doit «envisager une coopération avec la France concernant les armes nucléaires», a déclaré dans une interview le vice-président du groupe parlementaire de l'Union démocrate-chrétienne (CDU), Johann Wadephul.

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